Le gouvernement socialiste français est montré du doigt par des associations de défense des droits de l'homme en raison du démantèlement récent par les forces de l'ordre de plusieurs camps illicites habités par des Roms.

Certaines associations n'hésitent pas à dresser un parallèle avec les pratiques du président sortant, Nicolas Sarkozy, qui s'était attiré les foudres de plusieurs pays à l'été 2010 en soutenant une politique agressive envers ces ressortissants d'Europe de l'Est.

Le père Arthur, un prêtre qui défend les communautés roms installées dans l'Hexagone, a déclaré qu'il se sentait «berné» par les actions du président socialiste François Hollande et du nouveau gouvernement.

«Au moins l'ancien président avait l'honnêteté de dire ce qui allait se passer», a indiqué le religieux, qui a baptisé hier plusieurs enfants en voie d'expulsion pour sensibiliser la population et les médias à leur situation.

Une porte-parole de la Ligue des droits de l'homme, Roseline Tiset, a déclaré dans la même veine qu'elle jugeait «inconcevable» que des gens soient jetés à la rue à la suite d'interventions policières sans se voir offrir d'alternatives de logement.

«On attendait mieux suite aux déclarations du président Hollande», a déclaré la militante en rappelant que le chef d'État s'était engagé dans son programme politique à fournir de telles alternatives.

Intervenir «avec fermeté»

Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a souligné mercredi dans un communiqué que le démantèlement de camps illicites par les forces de l'ordre survenait «toujours» à la suite de décisions judiciaires fondées sur des «dossiers circonstanciés».

Il a précisé que des interventions policières seraient menées «à chaque fois qu'elles s'imposent, avec fermeté», particulièrement lorsque des raisons sanitaires l'exigent. Les préfets ont été priés dans tous les cas de mener un «travail de concertation préalable» afin d'identifier des solutions alternatives de logement pour les personnes «les plus vulnérables».

«Les camps insalubres sont inacceptables. Souvent situés au coeur des quartiers populaires, ils sont aussi un défi au vivre-ensemble qui ne doit échapper à personne», a plaidé M. Valls, qui réclame un «renforcement des politiques d'insertion» des Roms dans leur pays d'origine.

L'intervention du politicien fait suite au démantèlement récent de camps situés à Marseille, Paris et Lyon. Hier encore, près de 200 Roms ont été chassés de terrains occupés dans l'agglomération lilloise. Le Parti de gauche, qui soutient généralement le gouvernement socialiste, l'a accusé de se «mettre dans les pas du précédent» en «pointant du doigt les Roms» sur fond de crise économique.

L'Union pour un mouvement populaire (UMP), l'ancien parti de Nicolas Sarkozy, s'est félicité pour sa part que le camp socialiste fasse «enfin preuve de lucidité» sur cette question.

Accusations de racisme

Le secrétaire national du parti en matière de sécurité, Éric Ciotti, a déploré que le virage de la gauche survienne après «l'outrance des commentaires» qui avaient suivi la vague d'expulsions effectuées en 2010.

Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Brice Hortefeux, avait annoncé sa volonté de procéder en trois mois au démantèlement de plus d'une centaine des 300 camps recensés sur le territoire français.

Il avait dû se défendre d'accusations de racisme après la divulgation d'une directive ciblant spécifiquement les ressortissants roms venus d'Europe de l'Est, qui seraient environ 15 000 à l'échelle du pays.

Les préfets avaient reçu l'ordre de «réaliser une opération importante par semaine» d'évacuation, de démantèlement ou de reconduite à la frontière «concernant prioritairement les Roms».

Médecins du Monde dénonçait récemment «l'augmentation de la pression exercée sur ces populations» et la «systématisation» des expulsions en France et ailleurs.

La très grande précarité dans laquelle vivent les Roms se traduit notamment par des indicateurs de santé «alarmants», relevait en entrevue à l'hebdomadaire L'Express le directeur des opérations françaises de l'organisation, Jean-Françis Corty.

Il a précisé que l'espérance de vie des Roms se situe entre 55 et 60 ans alors que la moyenne européenne est de près de 80 ans.