Dans la ville balnéaire de Nairn, dans les Highlands écossais, les soirées «ceilidh» sont revenues à la mode. Rien de plus tartan que ces fêtes traditionnelles, avec danses, accordéon et vieilles ballades nostalgiques. Tout le monde y est, de la petite fille timide à la grand-mère rigolarde qui boit des coups au bar.

Eh oui, ces soirées, il faut le dire, sont bien arrosées.

La liste de chansons au programme promet de remuer les sentiments nationalistes. Après tout, on y trouve des classiques comme The Massacre of Glencoe (sur le meurtre de sang froid du clan Macdonald par le clan Campbell au service des forces du gouvernement en 1692) et Flower of Scotland, (l'hymne national alternatif des Écossais), célébrant la victoire des patriotes menés par Robert the Bruce contre la «fière armée d'Édouard» en 1314. La salle est saoule d'orgueil national.

Apolitique au ceilidh

Mais cette fierté semble ancrée dans un passé idéalisé. En parlant avec les gens de l'actualité, les sentiments s'avèrent plus ambigus. Bob Johnston, un des organisateurs de la soirée, prend un air horrifié quand on lui dit qu'on aimerait demander aux gens ce qu'ils pensent du référendum. «Non!», s'exclame-t-il. «Pas le référendum!»

«On est apolitiques au ceilidh. Les gens viennent ici pour s'amuser», dit-il. Il est «certain à l'os» que le peuple écossais dira non à l'indépendance. Alex Salmond, selon lui, est un populiste qui est en train de «donner au peuple ce qu'il veut». À 78 ans, Johnston est trop fatigué pour s'en faire: «À mon âge, on n'a pas envie de changements.»

Si l'Écosse se sépare, Matthew Pursell, un militaire de 26 ans, risquerait de perdre son emploi dans le régiment britannique des Highlanders. De retour d'une mobilisation en Allemagne, il va au ceilidh «pour rigoler». «Je suis ouvert, dit-il. Mais les Écossais n'arriveraient probablement pas à se tenir debout tout seuls. Bon, on verra...»

Geraldine Ditta, elle, a fait le trajet depuis Inverness pour participer à la soirée. «J'aime le mélange de générations, explique la femme de 48 ans. On peut emmener ses enfants et s'amuser.» Mais pour ce qui est de l'indépendance, elle ferme la porte rapidement. «On peut avoir une identité forte sans aller jusque-là.»

God Save the Queen

Après une longue quête, on trouve finalement notre Braveheart. Dougie Gray, acteur retraité de 68 ans, est nationaliste sans réserve. Ses aïeux étaient parmi les illustres du parti nationaliste écossais. «Il y a une veine nationaliste très forte dans ma famille, dit-il. Il y a beaucoup de questions, mais j'aime l'idée qu'on cesse de se faire marcher dessus par Westminster. Ils le font depuis tellement longtemps ...»

Mais Dougie Gray est visiblement un cas spécial. À la fin du spectacle, l'un des organisateurs lance au micro: «On voudrait rappeler aux gens que cette soirée a été organisée par le Royal British Legion et que nous soutenons très fortement notre reine!»

Pas le temps de se demander si l'annonce nous était destinée. Dans une scène totalement surréaliste, tout le monde se prend ensuite par la main pour chanter God Save the Queen.

À la fin de la soirée, sorti dans la lumière bleue des longues journées d'été nordiques, Bob Johnston se met à parler français, une langue apprise quand il était distributeur de vins. «Vive le Québec libre!», dit-il avec malice. «De Gaulle a lancé une révolution avec ces mots.

«Mais, on ne veut pas de révolution ici.»