Après deux jours de lutte acharnée contre les flammes, les pompiers avaient espoir de commencer à contrôler mardi le gigantesque incendie qui fait rage dans le nord-est de l'Espagne et a fait quatre morts, laissant derrière lui des paysages de désolation.

Entre les arbres et les champs calcinés, dans une forte odeur de brûlé, les petites routes sinueuses qui parcourent la région de l'Alt Emporda, au sud de la frontière française, sont toujours coupées çà et là par des barrages de police, et sillonnées par les camions de pompiers.

> L'incendie en images

À quelques kilomètres au nord de Figueres, les Canadairs continuent de tourner au-dessus d'une montagne fumante, au-delà du village de Biure, dans le secteur de Boadella.

Les villageois peinent à se remettre du drame qu'ils viennent de vivre, les larmes montent vite au bord des yeux lorsqu'ils contemplent ce qui reste de leurs vallées.

« Tout ça était vraiment déprimant », dit Nuria Juan, 33 ans. « Regardez tout est noir, alors que le paysage était si vert avant », remarque-t-elle en désignant le paysage face à Biure, au coeur de la zone dévastée.

Les flammes cependant sont moins visibles et pour la première fois depuis dimanche, les autorités catalanes laissent entrevoir une accalmie.

« L'impression est qu'il sera possible d'entrer dans une phase de contrôle dans la journée », a déclaré mardi matin le ministre régional de l'Intérieur, Felip Puig.

« Nous sommes raisonnablement optimistes », a-t-il ajouté, estimant que les conditions climatiques étaient favorables, avec une baisse des températures, l'augmentation de l'humidité dans l'air et l'absence de vent.

Environ 1500 personnes, pompiers, policiers et militaires, gardes forestiers et volontaires, luttaient mardi contre le feu, appuyés par 25 avions et hélicoptères espagnols et français.

Les efforts se concentraient surtout sur le secteur de Boadella, dans la partie ouest de l'incendie, là où les foyers sont les plus actifs.

À Figueres, les habitants découvraient leur ville sous un jour inconnu.

« Je ne me souviens pas d'avoir déjà vu un tel nuage de fumée sur Figueres, c'est la première fois », note Maria Angels Rodriguez, agente immobilière de 50 ans.

Penchés sur des journaux ouverts aux pages consacrées aux incendies, Cebria Barris, 79 ans, et Isidre Asparo, 55 ans, se souviennent des incendies de 1986, qui avaient déjà recouvert Figueres d'une couche de fumée.

« J'étais trop jeune en 1986 pour m'en souvenir, donc pour moi c'est la première fois que je vois un tel nuage de fumée, mais ça dure depuis dimanche », dit pour sa part Isaac Hernandez.

L'homme de 33 ans, qui nettoie le comptoir du café Xiroi, l'avoue : « Je n'ai pas peur parce que nous sommes en ville, mais je suis triste pour ce qui se passe dans les montagnes ».

L'incendie, qui a laissé derrière lui d'immenses étendues de végétation calcinée, ne progresse presque plus depuis lundi, après avoir brûlé environ 14 000 hectares.

Le feu avait démarré dimanche près de la frontière franco-espagnole avant de se propager, vers le sud, à la ville espagnole de La Junquera et à 17 villages à la région catalane de l'Alt Emporda, qui s'est transformée en un brasier géant.

Attisé par une très forte tramontane, soufflant du nord-ouest, le feu a progressé très vite, jusqu'à une accalmie lundi.

Trois personnes sont mortes dimanche : un Espagnol de 75 ans, qui a succombé à une crise cardiaque, ainsi que deux Français, un homme et sa fille de 15 ans, qui se sont jetés à la mer en voulant échapper aux flammes, à Port-Bou, sur la Méditerranée. Mardi, un Français de 64 ans a succombé à de graves brûlures.

Six blessés étaient toujours hospitalisés mardi.

Des centaines de personnes ont été hébergées dans des centres d'urgence, dormant dans des salles sportives comme à Figueres, où des touristes évacués d'un camping se remettaient mardi de leurs émotions, racontant qu'ils avaient eu « dix minutes pour partir ».

Les incendies de forêt et de broussailles sont particulièrement nombreux cette année en Espagne, où l'hiver a été le plus sec depuis environ 70 ans. Le plus dévastateur à ce jour a détruit début juillet 50 000 hectares de végétation dans la région de Valence, dans l'est du pays.