Silvio Berlusconi, qui avait dû abandonner les rênes de l'Italie en plein marasme à l'automne dernier, fait durer le suspense sur son éventuel retour en politique et laisse monter au front ses lieutenants, convaincus qu'il se présentera aux prochaines élections prévues en 2013.

Attendu vendredi soir à un congrès dans un hôtel près de Rome, où la presse italienne pressentait une annonce en ce sens, le Cavaliere a déclaré forfait à la dernière minute. «Pour raisons de sécurité», ont avancé certains, invoquant la présence d'une poignée de manifestants libyens. «Il avait un autre engagement», a argué de son côté Angelo Alfano, le dauphin de M. Berlusconi, à la tête de son parti, le Peuple de la liberté (PDL).

Plus perfidement, le Corriere della Sera note qu'une annonce devant un public de quelque 300 sexagénaires, spécialement amenés par bus et épuisés par une chaleur suffocante, n'était pas l'idéal pour un triomphal retour en piste.

«S'il décide d'annoncer son retour, il organisera une grande manifestation» à l'automne, croit savoir l'un de ses fidèles, cité par l'agence italienne Ansa.

Car ses partisans semblent convaincus: le magnat des médias sera la tête de liste de son parti aux législatives prévues en avril 2013, date à laquelle il sera proche de ses 77 ans.

«Silvio Berlusconi a perdu plusieurs kilos et le régime qu'il s'impose laisse prévoir qu'il en perdra d'autres. Pour qui le connaît, c'est le signe qu'à l'automne il tournera beaucoup et reviendra à la télévision. Et s'il revient à la télévision, c'est qu'il revient en politique», diagnostique son thuriféraire préféré, le journaliste Bruno Vespa.

Selon ce dernier, l'intéressé aurait confié que ne pas se présenter équivaudrait à perdre «18 ans d'engagement politique», alors que son parti a subi une véritable déconfiture lors des dernières élections municipales.

Toujours selon le journaliste, qui signe samedi un article dans Quotidiano.net, M. Berlusconi souhaite réserver son annonce pour l'automne, mais «ici on n'arrive jamais à garder les choses secrètes»...

Hypothèse «terrifiante»

Dans la semaine, M. Alfano est allé dans le même sens: «Il y a un grand mouvement de soutien à une nouvelle candidature du président Berlusconi» et «je crois qu'au bout du compte, il décidera de se lancer».

Depuis qu'il a cédé la place à Mario Monti et son gouvernement de technocrates, le Cavaliere a affirmé à plusieurs reprises que la relève serait assurée par M. Alfano, son ancien ministre de la Justice âgé de 41 ans.

Mais, en coulisse, selon la presse italienne, il travaille à la refonte du parti, qui pourrait changer de nom -Berlusconi a une préférence pour «Forza Italia» (Vive l'Italie), nom du mouvement qu'il avait lancé lors de son entrée en politique en 1994. Il envisagerait également un «ticket» avec une femme.

Autre signe de sa volonté de soigner son image dans la perspective d'une sixième candidature au poste de président du Conseil: il fait pression pour la démission de Nicole Minetti, conseillère régionale de Lombardie. L'accorte brune de 27 ans, qui fut son hygiéniste dentaire, est accusée, dans le scandale Rubygate, d'avoir fourni un bataillon de jeunes et jolies femmes pour les soirées du Cavaliere. Ce dernier est lui-même poursuivi dans cette affaire pour prostitution de mineure et abus de pouvoir.

Mais le vrai-faux suspense autour de la candidature d'une des plus grosses fortunes d'Italie pourrait avoir aussi pour but de clore, au moins temporairement, les dissensions au sein du PDL, mis à mal par son soutien à la drastique cure d'austérité que le gouvernement Monti impose aux Italiens. Avec Berlusconi, inutile par exemple d'organiser des primaires au sein du parti, «le problème ne se pose pas», a relevé Fabrizio Cicchitto, chef du groupe PDL à la Chambre des députés.

En attendant, cet éventuel retour d'un homme qui est aux prises à la justice également pour fraude fiscale et faux en bilan, ne suscite pas l'enthousiasme général. Cela «ne fera pas de bien à l'Italie», a commenté le centriste Pier Ferdinando Casini. Et le dirigeant du premier parti de gauche, Pier Luigi Bersani, a qualifié cette hypothèse de «terrifiante», jugeant qu'elle anéantirait la reconquête de crédibilité de l'Italie auprès de la communauté internationale et des marchés.