La Roumanie a commencé samedi à préparer un référendum crucial pour son avenir sur la destitution du président Traian Basescu, votée vendredi par le parlement, tandis que les États-Unis se sont joints à l'Europe pour dénoncer des menaces sur l'équilibre démocratique du pays.

C'est le 29 juillet, en pleine période de vacances estivales, que les Roumains devront dire s'ils conservent M. Basescu comme chef de l'État jusqu'en 2014, le terme de son deuxième mandat, ou s'ils le destituent, ouvrant la voie à une élection présidentielle anticipée.

M. Basescu, un ancien capitaine de la marine marchande, élu pour la première fois en 2004, a déjà survécu à un tel vote en 2007, évitant une destitution demandée par les mêmes partis qu'aujourd'hui.

«Mais il est aujourd'hui face au match le plus difficile de sa carrière. Jamais il n'avait été confronté à une telle vague de haine populaire», note samedi Florin Negrutiu, l'éditorialiste du quotidien en ligne Gandul, en référence à la chute de popularité du président de centre droit après la cure d'austérité décidée en 2010.

«Avec la vérité et la Constitution, allons au référendum», a déclaré M. Basescu dans un message sur son compte Twitter.

Vendredi soir, 256 députés et sénateurs sur les 432 que compte le parlement ont voté en faveur de sa destitution proposée par l'Union sociale-libérale (USL), la coalition de centre gauche arrivée au pouvoir il y a deux mois et qui entretient des rapports exécrables avec le chef de l'État.

Le premier ministre Victor Ponta n'a pas caché sa satisfaction samedi. «Maintenant, nous voyons éliminés tous les blocages», a-t-il dit, ajoutant: «nous n'avons plus à nous faire de souci sur des contestations sur toutes les décisions que nous adoptons».

L'USL accuse M. Basescu d'avoir «violé gravement la Constitution» en s'attribuant des prérogatives réservées au premier ministre et en imposant des mesures d'austérité qui «ont appauvri la population».

Confrontée à une des pires récessions en Europe en 2009 et 2010, la Roumanie avait dû prendre des mesures draconiennes d'économie en échange d'une aide du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Union européenne (UE) pour sortir la tête de l'eau.

M. Basescu a rejeté ces accusations en estimant qu'aucun fait particulier ne lui était reproché, mais seulement des déclarations et qu'il n'avait pas d'autre choix à l'époque que de soutenir l'austérité pour sauver le pays de l'effondrement.

La coalition au pouvoir veut «prendre le contrôle de la justice», une des institutions du pays, qui a gagné son indépendance, a martelé le président en notant que des parlementaires de l'USL condamnés pour conflit d'intérêts ou corruption siégeaient lors du vote de vendredi.

S'ils ne contestent pas le principe de la destitution, permis par la Constitution, les ONG de défense de l'État de droit et les commentateurs de presse ont dénoncé ces derniers jours la manière «brutale» dont l'USL a procédé pour faciliter l'éviction de son rival.

En moins d'une semaine, les présidents des deux chambres du parlement ont été révoqués dans des procédures à la légalité contestée, le médiateur a été remplacé, la Cour constitutionnelle a vu ses pouvoirs réduits et ses juges ont été attaqués. En outre, les conditions du référendum de validation de la destitution ont été modifiées par décret jeudi.

«C'est un passage en force», a estimé l'éditorialiste de Realitatea TV, Dorin Chiotea.

Samedi, le Conseil de l'Europe a chargé une de ses commissions d'experts d'examiner si les «récentes actions du gouvernement et du parlement» roumains respectent les normes européennes démocratiques.

Son secrétaire général, Thorbjorn Jagland, s'est dit «très inquiet».

Les États-Unis et les Pays-Bas se sont joints samedi à la Commission européenne, Berlin et Paris pour exprimer leur inquiétude.

Washington a évoqué des événements «qui menacent l'équilibre démocratique des pouvoirs et affaiblissent les institutions indépendantes, comme la justice», a déclaré dans un communiqué la porte-parole du département d'État, Victoria Nuland.

Les États-Unis ont exhorté le gouvernement roumain à organiser le processus de destitution «de manière juste et transparente avec un respect scrupuleux de l'État de droit».

«Il est important que la Roumanie tienne compte de sa Constitution et des lois existantes», a de son côté déclaré Christophe Kamp, porte-parole du secrétaire d'État aux Affaires étrangères des Pays-Bas, en indiquant suivre de près la situation.