L'ancien PDG de France Télécom, Didier Lombard, a été mis en examen mercredi pour harcèlement moral dans l'enquête sur la vague de suicides de salariés, en 2008 et 2009, au sein du groupe français de Télécoms, a annoncé son avocat Me Jean Veil.

Didier Lombard, arrivé à la tête de cette compagnie en 2005, avait dû en quitter la direction opérationnelle en mars 2010, fragilisé par la vague d'une trentaine de suicides de salariés entre janvier 2008 et fin 2009.

« Monsieur Didier Lombard a été mis en examen » (inculpé, NDLR), a déclaré Me Veil à la sortie du bureau du juge Pascal Gand.

M. Lombard ne s'est pas expliqué sur le fond du dossier. « Il s'est borné à des explications sur le contexte économique, technologique et réglementaire dans lequel évoluait la société France Télécom. Il a notamment évoqué des règles de concurrence particulièrement défavorables que les pouvoirs publics ont imposées à cette entreprise », a déclaré l'avocat.

Le juge a imposé à l'ancien PDG un contrôle judiciaire et un cautionnement de 100 000 euros (environ 127 000 $), a précisé Me Jean Veil.

Selon le syndicat SUD, le premier à avoir porté plainte fin 2009, « c'est la première fois en France qu'un ancien dirigeant d'entreprise, a fortiori du CAC 40 (l'indice phare de la Bourse de Paris, NDLR), est mis en examen pour harcèlement moral et institutionnel ».

Le juge a également convoqué d'autres dirigeants de l'époque, ainsi que la société France Télécom, vendredi, qui pourrait aussi être mise en examen, en tant que personne morale.

En 2008 et 2009, le nombre des suicides de salariés s'était établi à 35, selon direction et syndicats. Engagée dans des restructurations, le géant français des Télécoms avait notamment supprimé 22 000 postes entre 2006 et 2008 et procédé à 10 000 changements de métier sur cette même période.

Un rapport de l'Inspection du travail et une plainte de la fédération Sud-PTT fin 2009 avaient conduit à l'ouverture d'une information judiciaire pour harcèlement moral en avril 2010.

Le rapport de l'inspection du travail de 2010 mettait en exergue le harcèlement managérial dont étaient victimes en particulier les fonctionnaires, mis sur la touche, incités à changer de métier ou à quitter l'entreprise. Le groupe a « mis en oeuvre des méthodes de gestion du personnel qui ont eu pour effet de fragiliser psychologiquement les salariés et de porter atteinte à leur santé physique et mentale », écrivait l'inspection.

« Je suis conscient que les bouleversements qu'a connus l'entreprise ont pu provoquer des secousses ou des troubles. Mais je conteste avec force que les plans indispensables à la survie de l'entreprise aient pu être la cause des drames humains cités à l'appui des plaintes », avait dit M. Lombard, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde.

Le syndicaliste Patrick Ackermann (SUD) a souhaité qu'« une mise en examen soit prononcée et qu'on puisse enfin aller vers un procès (...) avec des gens identifiés qui doivent répondre de leurs actes ».