Une charte de la langue française inspirée de celle du Québec, limitant l'affichage en anglais dans les commerces, est devenue «presque indispensable» en France tant «l'américanisation» y prolifère, a soutenu mercredi le linguiste de renom Claude Hagège.

Si le français a perdu de son attrait, c'est en partie en raison du déclin de la puissance industrielle française qui a donné lieu à un «mimétisme de la langue de la puissance», d'où la prolifération de l'anglais dans les rues de France.

«Si Paris offre aux yeux surpris de tant d'étrangers ce spectacle honteux de l'américanisation - avec partout les enseignes de magasin, la publicité - c'est parce que s'américaniser, c'est appartenir à la langue de la puissance», a dit à l'AFP le professeur honoraire au Collège de France en marge du premier forum mondial sur la langue française, à Québec.

Claude Hagège estime que la France aurait intérêt à s'inspirer du Québec. À la fin des années 70, les indépendantistes québécois, alors au pouvoir, avaient adopté la «loi 101», une charte qui imposait notamment l'unilinguisme français dans l'affichage.

À la suite de contestations judiciaires, cette loi a été atténuée pour faire du français la langue «prédominante» dans l'affichage tout en autorisant d'autres langues.

La France doit-elle recourir à une loi, calquée sur la «loi 101» québécoise, pour préserver sa langue?

«Il y a encore 20 ans, j'aurais dit que non, aujourd'hui je regrette de répondre que oui. La France a intérêt à prendre la merveilleuse loi 101», a déclaré M. Hagège.

«En France, jusqu'à l'époque récente, on ne considérait pas, justement quand on se comparait au Québec, que l'anglais était aussi redoutable parce que la France ne se voyait pas comme un îlot de sept millions de francophones immergé dans un océan» anglophone, a souligné M. Hagège.

Mais aujourd'hui «une loi comparable à la loi 101 est devenue, je le dis ouvertement, presque indispensable en France», a souligné le grand linguiste, arborant le «carré rouge» symbole de l'opposition des étudiants québécois à la hausse de 82% sur sept ans des droits de scolarité imposée par le premier ministre du Québec, Jean Charest.