Les dirigeants de Nouvelle Démocratie, qui a remporté par une mince marge les élections législatives tenues dimanche en Grèce, ont entrepris hier de former un gouvernement sur fond de scepticisme devant l'avenir du pays.

Le chef du parti conservateur, Antonis Samaras, a reçu le mandat en milieu de journée du président Karolos Papoulias de tenter de construire une coalition viable. Le chef de l'État a insisté sur le fait qu'il n'y avait «pas une heure» à perdre en raison de la précarité de la situation.

M. Samaras, qui a fait campagne en défendant le respect des dispositions du mémorandum conclu avec les bailleurs de fonds internationaux du pays pour obtenir une aide de 130 milliards d'euros, a réitéré sa volonté de former un gouvernement «d'unité nationale».

Le scénario le plus probable est un regroupement avec les socialistes du Pasok, qui a remporté 33 sièges lors des élections, ainsi qu'avec un petit parti, la Gauche démocratique, pour constituer une majorité d'environ 170 sièges sur 300 au Parlement.

La coalition de gauche radicale Syriza, arrivée quelques points derrière Nouvelle Démocratie dimanche, a réitéré hier sa volonté de demeurer dans l'opposition afin de lutter contre le mémorandum et les mesures d'austérité qu'il prévoit.

Antonis Samaras a déclaré qu'il était important d'apporter des «ajustements» à l'entente pour réduire l'impact des réformes imposées au pays, mais les autorités européennes se montrent peu conciliantes à ce sujet.

L'Allemagne, qui avait esquissé une ouverture après l'annonce des résultats dimanche, a fermé la porte hier. «Ce n'est pas le moment d'accorder quelque remise que ce soit à la Grèce», a déclaré un porte-parole de Berlin.

L'Eurogroupe, qui regroupe les ministres des Finances de la zone euro, a souligné pour sa part que les réformes structurelles et fiscales en cours dans le pays étaient la «meilleure garantie» pour permettre une sortie de crise.

Tenir jusqu'à la mi-juillet

Ces commentaires ont été décriés par Syriza, qui insiste sur le fait qu'une majorité d'électeurs grecs a soutenu dimanche des formations opposées au mémorandum. «Visiblement, le résultat du principal processus démocratique du pays est un détail que les membres de l'Eurogroupe ne jugent pas digne de considération», a noté la formation.

La coalition de gauche avait prévenu durant la campagne que l'État grec disposait de fonds suffisants pour assurer ses dépenses courantes jusqu'à la mi-juillet. Les ministres de la zone euro doivent décider prochainement du versement prévu d'une nouvelle tranche d'aide cruciale pour le pays.

Tout en se réjouissant de la victoire de Nouvelle Démocratie, le journal conservateur Kathimerini s'est inquiété hier de la capacité d'Antonis Samaras à coopérer et à faire les compromis requis pour assurer la cohésion du gouvernement dans une période difficile.

«Il est très probable que nous ayons ralenti notre course vers le ravin et brûlé nos freins dans le processus», a souligné le quotidien, qui prédit de nouvelles élections dans un avenir rapproché.

Le politologue Georges Seferzis note pour sa part que la durée de vie du gouvernement dépendra largement de ce qu'il pourra obtenir dans ses pourparlers avec les autorités européennes. Les mesures de croissance défendues par le président français François Hollande pourraient, selon lui, avoir une incidence importante pour la Grèce si elles se concrétisent.

«Prolonger l'agonie»

L'analyste s'attendait hier à ce que le nouveau gouvernement soit formé demain. Une partie des négociations portaient notamment sur l'identité du prochain premier ministre. «Il est plus facile pour le Pasok et la Gauche démocratique de soutenir le gouvernement si Samaras n'occupe pas cette fonction», explique M. Seferzis.

Sur son blogue, l'économiste grec Yannis Varoufakis se montrait sceptique sur les chances du nouveau gouvernement de surmonter les défis qui l'attendent.

L'obtention éventuelle de mesures d'allégement sans changement fondamental de la recette imposée par les autorités européennes ne fera que «prolonger, sans l'empêcher, l'agonie» de l'économie grecque, a-t-il prévenu.

«L'Europe a peut-être obtenu ce qu'elle voulait en fin de semaine. Mais elle se fera bientôt rappeler, encore une fois, que le dieu le plus vengeur est celui qui accorde de tels souhaits», a relevé l'économiste.