Anders Behring Breivik est-il pénalement responsable? À quelques jours de la fin de son procès, l'extrémiste de droite jugé pour la mort de 77 personnes en Norvège reste une énigme pour les psychiatres, laissant grande ouverte la question de son sort : la prison ou l'asile.

Lundi, deux experts-psychiatres officiels, Agnar Aspaas et Terje Toerrissen, ont répété qu'à leurs yeux, Breivik n'était pas psychotique le 22 juillet 2011 quand il a placé une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, puis ouvert le feu sur un camp d'été de la Jeunesse travailliste sur l'île d'Utoya.

«Nous ne trouvons aucun signe indiquant que le sujet ait eu des symptômes psychotiques avant, pendant et après» le massacre, a déclaré M. Aspaas au tribunal d'Oslo.

«Il est très peu probable qu'il souffre d'une maladie tombant sous le coup de la psychiatrie médico-légale», a-t-il ajouté.

Cette conclusion est identique à celle qu'ils avaient rendue début avril, juste avant le début du procès, mais elle s'appuie aussi désormais sur neuf semaines d'observation de l'accusé dans le prétoire.

Elle prend le contrepied d'un premier binôme d'experts officiels, Synne Soerheim et Torgeir Husby, qui disent, eux, avoir décelé une «schizophrénie paranoïde», un diagnostic qu'ils ont confirmé devant la Cour la semaine dernière.

La principale ligne de fracture entre experts réside dans l'interprétation des vues extrêmes de l'accusé : les premiers y voyaient des «idées délirantes» symptomatiques d'une schizophrénie, les seconds la simple expression d'une idéologie radicale minoritaire.

Pour MM. Aspaas et Toerrissen, l'extrémiste de 33 ans est «narcissique» et «antisocial», voire «paranoïaque», mais ces troubles de la personnalité ne sont pas de nature à lui éviter la prison.

Tous les psychiatres s'entendent toutefois pour juger élevé le risque que Breivik reste violent à l'avenir.

Alors que le procès s'achèvera vendredi, le désaccord persistant des psychiatres complique sérieusement la tâche des juges qui devront répondre à la délicate question de la santé mentale dans leur verdict attendu le 20 juillet ou le 24 août.

Pour pouvoir condamner Breivik à la prison, les magistrats doivent être convaincus qu'il est pénalement responsable au-delà du doute raisonnable, sans que l'on sache précisément où la barre se situe.

Indépendamment des deux expertises officielles, aucun des autres psychiatres appelés à la barre -y compris ceux qui ont observé le tueur en détention- n'ont décelé de signes de psychose.

Mais, selon les commentateurs, le premier rapport qui a conclu à la schizophrénie paranoïde pourrait avoir insufflé suffisamment d'incertitudes pour contraindre la Cour à prononcer l'internement psychiatrique.

Pour compliquer les choses, la Commission médico-légale, censée contrôler la qualité des évaluations psychiatriques réalisées à des fins judiciaires, a validé la première, mais pas la seconde, qui contient selon elle des «carences significatives».

S'il est reconnu pénalement irresponsable, Breivik risque l'internement psychiatrique, potentiellement à vie. Responsable, il encourt 21 ans de prison, une peine qui pourrait être prolongée aussi longtemps qu'il sera jugé dangereux.

Le Parquet, qui doit prononcer son réquisitoire jeudi, a jusqu'à présent laissé toutes les portes ouvertes concernant cette question.

«C'est une situation extrêmement difficile, pas de doute là-dessus», a confié lundi à l'agence de presse NTB le procureur général Tor-Aksel Busch.

Dans leur plaidoirie vendredi, les avocats tenteront, eux, de démontrer que leur client est responsable, une ligne de défense inhabituelle voulue par Breivik qui craint de voir son idéologie invalidée par une pathologie.

Jugeant son geste «atroce, mais nécessaire» pour protéger la Norvège contre le multiculturalisme et «l'invasion musulmane», l'extrémiste reconnaît être l'auteur des attaques, mais plaide non-coupable.