Le président russe Vladimir Poutine a promulgué vendredi une loi instaurant des amendes considérables pour punir les manifestants en cas de troubles, un texte dont l'adoption a provoqué un tollé en Russie avant un nouveau grand rassemblement de l'opposition.

« Non seulement j'ai signé la loi, mais j'ai étudié le dossier envoyé par la Douma » (chambre basse du Parlement russe), qui estime que ce texte est comparable à ceux de la législation européenne, a déclaré M. Poutine.

« En comparant cette loi avec la législation dans d'autres pays européens -l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Grande-Bretagne et la France- notre loi n'a pas de dispositions qui seraient plus dures que celles prévues par des lois similaires dans les pays mentionnés », a-t-il ajouté.

Les amendes prévues en cas de rassemblement non autorisé ou en cas de troubles à l'ordre public lors de manifestations ayant reçu l'aval des autorités peuvent aller jusqu'à 300 000 roubles (9400 $) pour les personnes physiques.

Pour les personnes morales -les organisations politiques par exemple- l'amende peut atteindre un million de roubles (plus de 32 200 $).

La loi entrera en vigueur dès sa publication samedi dans le journal officiel Rossiïskaïa Gazeta, a souligné le porte-parole de M. Poutine, Dmitri Peskov.

Un rapport d'experts du Conseil consultatif pour les droits de l'homme auprès du Kremlin a pourtant jugé jeudi que cette loi violait l'article 31 de la Constitution, qui garantit la liberté de rassemblement.

L'Union européenne s'est inquiétée jeudi « des possibles implications de cette loi » en soulignant que « des réglementations qui découragent l'engagement civique n'aident pas à atteindre l'objectif » d'un « dialogue constructif » entre l'État et la société civile.

L'ex-président soviétique et père de la perestroïka, Mikhaïl Gorbatchev, a qualifié la promulgation de la loi d'« erreur ».

« C'est une erreur et il faudrait la corriger », a-t-il déclaré à l'agence Interfax.

Pour le chef du parti d'opposition Iabloko, Sergueï Mitrokhine, l'entrée en vigueur du texte équivaut à « une interdiction des rassemblements politiques ».

« Maintenant, n'importe qui peut être puni en se voyant infliger un travail d'esclave et une amende folle. Je ne peux pas appeler les gens à manifester en sachant qu'ils risquent la prison », a-t-il ajouté.

L'un des leaders de l'opposition, Boris Nemtsov, a pour sa part promis d'aller jusqu'à la Cour de Strasbourg pour contester cette nouvelle loi « anticonstitutionnelle, qui va à l'encontre de la Convention européenne des droits de l'homme ».

La loi, qui n'est pas sans rappeler la loi 78 qui fait controverse au Québec, entrera en vigueur à quelques jours d'un nouveau rassemblement de l'opposition prévu le 12 juin à l'occasion d'une fête nationale.

La mairie de Moscou a autorisé vendredi une marche à laquelle les organisateurs attendent 50 000 personnes et qui débutera à 8 h GMT (4 h, heure de Montréal) place Pouchkine, en plein centre de Moscou et finira avenue Sakharov où plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient manifesté en décembre contre les fraudes électorales.

La dernière manifestation de l'opposition le 6 mai à la veille de l'investiture de Vladimir Poutine au Kremlin pour un troisième mandat a dégénéré en heurts entre policiers et manifestants.

L'opposition a dénoncé la présence de provocateurs et affirme que la police avait bloqué l'accès à une place où devait déboucher la marche, créant la panique dans la foule.

Plusieurs centaines de personnes avaient été interpellées pendant cette manifestation et dans les jours qui ont suivi alors que des opposants organisaient des sit-in dans le centre de Moscou.