L'OTAN a officialisé dimanche la première phase du bouclier antimissile destiné à protéger l'Europe de tirs provenant du Moyen-Orient, en particulier d'Iran, un projet poussé par les Américains mais auquel s'opposent vivement les Russes.

«Se défendre contre les missiles est indispensable. Nous faisons face à des menaces réelles», a affirmé le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, à Chicago où se tient le sommet de l'Alliance jusqu'à lundi.

Les chefs d'Etat et de gouvernement des 28 pays membres ont déclaré, solennellement, que la phase initiale du développement («capacité intérimaire») était achevée. Trois autres étapes sont prévues jusqu'en 2020.

«Il s'agit du premier pas vers notre objectif à long terme d'assurer une protection complète pour l'ensemble des populations, des territoires et des forces» des pays européens, a expliqué M. Rasmussen.

Pour l'OTAN, la principale menace ne vient pas de Russie, comme durant la Guerre Froide, mais de pays du Moyen-Orient ou d'ailleurs ayant acquis des missiles capables de frapper l'Europe. Une trentaine de nations seraient dans ce cas mais l'une d'elles, l'Iran, a clairement été identifiée comme le danger potentiel, ayant mis au point des missiles balistiques d'une portée de 2.000/2.500 km, capables d'atteindre le sud-est de l'Europe.

Pour s'en prémunir, le bouclier sera composé d'un radar ultra-puissant installé dans l'Anatolie turque, de missiles SM-3 déployés sur des frégates Aegis postées en Méditerranée et d'intercepteurs implantés en Pologne et en Roumanie.

Cette structure sera contrôlée et commandée à partir de la base de Ramstein, en Allemagne.

Depuis le début, ce projet est piloté par les Etats-Unis, qui ont développé la technologie et financé l'essentiel de son architecture. Les alliés européens sont appelés à payer pour la mise en commun des équipements et des structures de contrôle.

Ce projet est devenu, au fil des ans, la principale pomme de discorde entre l'OTAN et la Russie, refroidissant le rapprochement esquissé après la chute du Mur.

Moscou le considère en effet comme une menace pour sa sécurité et exige d'être associé au système ou, à défaut, de recevoir des garanties que celui-ci ne vise pas sa capacité de dissuasion. Mais l'Alliance refuse catégoriquement, soucieuse de garder sa marge de manoeuvre stratégique.

Le ministre russe de la Défense, Anatoli Serdioukov, a averti début mai que les négociations entre les deux parties étaient «quasiment dans l'impasse», un fait illustré par l'absence de hauts responsables russes à Chicago.

La Russie a menacé d'activer des systèmes de défense antimissile et de déployer notamment des missiles Iskander à Kaliningrad, enclave russe aux portes de l'UE, si elle n'obtenait pas de concessions des alliés.

«Nous allons continuer notre dialogue avec la Russie et j'espère que, à un certain stade, la Russie réalisera qu'il est de notre intérêt commun de coopérer sur la défense antimissile», a déclaré dimanche M. Rasmussen.

En Europe, certains experts restent réservés sur ce projet onéreux dont l'efficacité n'est pas assurée. «Il existe encore de très nombreuses inconnues techniques», souligne Nick Witney, de l'European Council on Foreign Relations, en pointant aussi les doutes sur les capacités d'Etats «voyous» à frapper le territoire européen.

Après s'être déclaré «réticent» durant la campagne électorale, le nouveau président français, François Hollande, a affiché dimanche son «pragmatisme» sur la question. Il faut que «toutes les précautions soient prises, toutes les conditions soient respectées», a-t-il dit, en jugeant indispensable que les industriels «européens et français», pas seulement américains, «puissent y trouver leurs comptes».