Chef de file des députés socialistes depuis 15 ans, réformiste et germanophone, Jean-Marc Ayrault, 62 ans, a pris officiellement ses fonctions dans la matinée, après une passation de pouvoirs avec le premier ministre démissionnaire François Fillon.

Les deux hommes se sont entretenus pendant une demi-heure avant que François Fillon, qui dirigea le gouvernement pendant les cinq années du mandat de Nicolas Sarkozy, ne quitte l'hôtel de Matignon, sous les applaudissements du personnel rassemblé dans la cour.

«L'essentiel, et c'est pour cela que le conseil des ministres se réunira demain, c'est de se mettre très vite au travail pour permettre le redressement de la France dans la justice», a déclaré M. Ayrault.

Après avoir indiqué dans un premier temps que le gouvernement serait dévoilé à 10 h, heure de l'Est, la présidence a expliqué que l'annonce était retardée en fin de journée.

Une des grosses incertitudes concernant la formation de son équipe a été levée dans la matinée : Martine Aubry, dont le nom avait aussi circulé pour Matignon, a annoncé qu'elle n'entrerait pas au gouvernement.

«Dans cette configuration, nous sommes convenus, en bonne entente, que ça n'avait pas de sens que je sois au gouvernement», a-t-elle déclaré à l'AFP, précisant qu'elle ne serait pas candidate à sa succession à la tête du Parti socialiste (PS) fin octobre.

Dirigeante du PS depuis 2008, Mme Aubry, maire de Lille (nord), avait été numéro deux du gouvernement socialiste de Lionel Jospin (1997-2002).

Jusqu'au bout, François Hollande a imposé la plus grande discrétion sur sa future équipe, mais les scénarios se précisaient mercredi.

Deux noms circulaient encore pour les Affaires étrangères : celui du directeur de campagne de M. Hollande et ancien ministre des Affaires européennes Pierre Moscovici, et celui de l'ex-premier ministre Laurent Fabius. Ce dernier pourrait aussi obtenir le ministère la Défense.

Le fidèle ami et ex-ministre du Budget Michel Sapin semblait promis aux Finances et l'efficace directeur de communication de la campagne Manuel Valls à l'Intérieur.

En pleine crise grecque et alors que la France est fragilisée par une croissance nulle au premier trimestre et un chômage en hausse, M. Hollande veut une équipe solide et expérimentée, qui devra mener la bataille des législatives des 10 et 17 juin.

Quels que soient les derniers arbitrages, cette équipe devra compter autant d'hommes que de femmes, conformément à une promesse électorale, et faire une petite place aux alliés écologistes.

Sans attendre, la droite a dénoncé dès mardi la nomination de M. Ayrault, maire de Nantes (ouest), comme une «faute» et la «première trahison des promesses électorales» de François Hollande.

«Je n'aurai pas autour de moi des personnes jugées et condamnées», avait assuré François Hollande le 14 avril.

Or M. Ayrault a été rattrapé par une vieille affaire : il a été condamné en 1997 à six mois de prison avec sursis pour favoritisme après un marché accordé sans appel d'offres à une société proche du Parti socialiste local. Cette même année, cet épisode l'avait empêché d'être ministre.

Mercredi, le chef du parti de droite (Union pour un mouvement populaire)  Jean-François Copé a une nouvelle fois attaqué François Hollande, le décrivant comme «l'homme d'un clan, contrairement à toutes les leçons de morale qu'il a pu administrer tout au long de ces derniers mois».

Mardi, lors d'une journée d'investiture riche en symboles, rythmée par des cérémonies officielles, bains de foule et coups de canon, François Hollande avait veillé à se démarquer une nouvelle fois de son prédécesseur Nicolas Sarkozy

«Je fixerai les priorités, mais je ne déciderai pas» de tout, «pour tout et partout», avait-il répété dans son discours d'intronisation à l'Élysée.

Il s'était ensuite rendu à Berlin, pour un premier contact avec la chancelière Angela Merkel, l'occasion de réaffirmer l'importance et la solidité du couple franco-allemand, moteur pour l'Europe, en dépit de désaccords sur les moyens de relancer la croissance.