Un physicien franco-algérien, Adlène Hicheur, a été condamné vendredi à Paris à quatre ans de prison ferme pour avoir échangé des mails équivoques, dont certains évoquant de possibles attentats, avec un responsable présumé d'Aqmi.

Le docteur en physique des particules, détaché auprès du prestigieux laboratoire du Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) de Genève, a été condamné à cinq ans de prison, dont un avec sursis, par le tribunal correctionnel pour avoir participé en 2008 et 2009 à une «association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme».

Il a déjà accompli deux ans et demi de détention provisoire depuis son arrestation. En raison du jeu des remises de peine, «il devrait sortir assez prochainement», a annoncé son avocat, Me Patrick Baudouin.

Le 8 octobre 2009, Adlène Hicheur avait été interpellé à Vienne (sud-est) chez ses parents et écroué. Le coeur de l'accusation repose sur 35 messages électroniques échangés entre le chercheur et un certain Mustapha Debchi, responsable supposé d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

La défense conteste avec la dernière vigueur l'identité de ce mystérieux interlocuteur sur lequel se base l'essentiel des charges.

En mars 2009, Adlène Hicheur avait écrit à Mustapha Debchi être prêt à proposer des objectifs «en Europe et notamment en France». Dix jours plus tard, il avait été plus loin et avait évoqué «un pur objectif militaire», la base de Cran-Gevrier (est), qui forme des chasseurs alpins combattant en Afghanistan.

À l'audience du 30 mars, le prévenu avait minimisé ce message. «Il n'y a jamais eu de dévolu sur quoi que ce soit», s'était-il emporté. La base de Cran-Gevrier, «c'est apparu une fois et ce n'est plus jamais apparu».

Il avait mis ces courriels «tangents» sur le compte de son «état de santé physique et psychologique» de l'époque, où il était en arrêt-maladie pour une hernie discale.

Le tribunal n'a pas été de cet avis. Dans son jugement, la cour a estimé qu'il avait servi «de relais et de soutien logistiques et médiatiques à diverses structures terroristes de la nébuleuse islamiste radicale, en participant à des discussions via des flux internet avec un membre d'Aqmi parti dans le maquis algérien (...) en lui donnant son accord quant à la création d'une cellule opérationnelle en Europe et en définissant les cibles futures de celle-ci, et enfin en mettant en oeuvre des projets pour soutenir financièrement Aqmi».

Pour le tribunal, il s'agit de «faits graves». Toutefois, il a accordé à Adlène Hicheur un an de sursis en prenant en compte la personnalité du prévenu qui, au cours des débats, «a employé plusieurs fois le terme d'+humiliation+ et l'on sent, à travers les messages de cet homme intelligent et fier, la douleur d'appartenir à un peuple qui a effectivement été colonisé pendant deux siècles par des représentants de son pays d'accueil et d'adoption ainsi que la difficulté à surmonter cette antinomie».

De même, le tribunal dit ne pouvoir «ignorer qu'Adlène Hicheur est né à Sétif, ville de triste mémoire, ce qui n'a pu que renforcer son sentiment d'injustice, d'humiliation devant le sort réservé à ses pères».

«C'est un Guantanamo français», a dénoncé à l'issue du délibéré le frère du prévenu, Halim Hicheur.

Tout en reconnaissant les «propos parfois inquiétants et certes critiquables» de son client, Me Baudouin a dénoncé pour sa part «un scandale judiciaire», car Adlène Hicheur a été condamné «au vu de simples mots échangés sur le net».

«C'est l'aboutissement logique du rouleau compresseur de la justice antiterroriste», a-t-il conclu, considérant que cette décision «contre-productive» était «un coup de main donné par la justice» aux «véritables terroristes» qui font «leur pain blanc des failles de la démocratie».

Il ignorait si son client ferait appel.