S'il n'en tient qu'aux ténors du gouvernement actuel, les Français qui consultent en ligne de manière récurrente des sites faisant l'apologie du terrorisme risquent de se retrouver à l'avenir derrière les barreaux.

Le Conseil des ministres a donné son aval hier à un projet de loi contenant une série de mesures antiterroristes qui prévoient, notamment, une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 30 000 euros (39 000 $) pour ce type de comportement.

Le ministre de la Justice, Michel Mercier, a expliqué à l'issue de la rencontre qu'une telle modification était requise pour lutter contre le phénomène des «loups solitaires» comme Mohamed Merah. Ce jihadiste «autoradicalisé» de 23 ans a été abattu en mars à Toulouse par les forces policières à la suite d'une série de meurtres qui a secoué le pays.

Nicolas Sarkozy avait annoncé sa volonté de revoir la législation en vigueur en matière antiterroriste quelques heures après la mort de Merah.

Le gouvernement souhaitait faire siéger «d'urgence» le Parlement et voter les mesures avant la tenue du premier tour de l'élection présidentielle, mais l'idée a été abandonnée, faute d'obtenir l'aval de l'opposition.

Le président du groupe socialiste au Sénat, François Rebsamen, a déclaré hier que le texte entériné par le Conseil des ministres avait été décidé dans la «précipitation» et contenait des mesures pouvant s'avérer «contreproductives».

L'adoption du projet de loi dépendra donc du résultat de l'élection présidentielle et de la composition de l'Assemblée nationale qui découlera des élections législatives prévues dans la foulée.

L'annonce du président Sarkozy relativement à la fréquentation de sites internet incitant au terrorisme a soulevé de vives critiques de la part de Reporters sans frontières.

«À partir de quand une personne qui visite un portail violent posera-t-elle un danger à l'ordre public et sera-t-elle considérée comme un criminel? On peut consulter régulièrement un site sans jamais adhérer à la cause qu'il défend», a prévenu l'organisation.

Critiques

Le sociologue Laurent Mucchielli voit dans cette nouvelle mesure la «posture politique» d'un gouvernement «aux abois» à quelques jours de l'élection présidentielle. Plusieurs juristes, dit-il, ont déjà relevé que la criminalisation de la fréquentation de sites défendant le terrorisme pourrait compliquer la détection et la surveillance des réseaux intégristes.

Plusieurs partis de l'opposition ont critiqué, au cours des dernières semaines, les interventions du gouvernement en matière de lutte antiterroriste dans la foulée de l'affaire Merah.

L'arrestation, la semaine dernière, d'une dizaine d'hommes présentés comme des jihadistes lors d'une opération policière filmée par les médias a notamment été dénoncée comme étant un «spectacle» par le Parti socialiste et le Front national. Les suspects ont été relâchés quelques jours plus tard.

Quelques jours après la mort de Merah, les forces policières ont aussi appréhendé une vingtaine d'hommes, dont plusieurs membres d'une organisation salafiste interdite, Forsane Alizza. Une douzaine d'entre eux demeurent détenus. Ils sont soupçonnés d'avoir voulu organiser des enlèvements.