À 15 jours du vote, l'incertitude s'accroît à propos de l'issue du 1er tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy ayant pris un léger ascendant sur François Hollande selon les sondages, tandis que les limites de la dynamique créée par Jean-Luc Mélenchon sont difficiles à cerner.

Donné vainqueur au second tour par une marge significative (54-46 ou 53-47), le candidat socialiste reste aujourd'hui le favori du scrutin, mais a reculé dans les intentions de vote, selon la plupart des sondages, pour se situer désormais à 27-28% au 1er tour.

En face, le candidat de l'UMP a grignoté petit à petit son retard pour osciller aujourd'hui autour de 28-29%, proche de son score du 22 avril 2007 (31,2%), sans toutefois opérer une percée.

«La dynamique est plutôt du côté de Nicolas Sarkozy» qui bénéficie, il est vrai, du fait qu'il est «plus que jamais le candidat unique de la droite» - le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan ne tenant qu'une place marginale -, alors que François Hollande est concurrencé à gauche par quatre autres candidatures, fait remarquer Emmanuel Rivière (TNS Sofres).

Le PS affiche la sérénité. «Je ne suis pas du tout inquiet», a affirmé mercredi Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, en rappelant qu'au 1er tour en 2007, le total des voix de droite s'élevait à 34,5%.

L'optimisme renaît à droite. «Chaque jour prouve» que le président candidat «est bien le moteur de cette campagne», selon François Fillon.

«L'objectif», a déclaré le premier ministre, est de «virer largement en tête au 1er tour pour l'emporter» au second, misant sur l'effet psychologique d'un président menant à mi-course alors qu'il est donné largement battu depuis des mois.

Selon Emmanuel Rivière, on ne peut encore écarter l'hypothèse d'une finale inattendue au soir du 22 avril. «Un duel trop certain, trop annoncé, a pour caractéristique de produire des effets qui peuvent fragiliser ce scénario», met-il en garde.

On ne peut exclure que François Hollande tombe sous les 25% d'intentions de vote dans les quinze jours, ni que Marine Le Pen fasse le 22 avril un score bien plus haut que celui qui lui est prêté actuellement (entre 13 et 15%), estime-t-il.

La candidate du Front national «est à un niveau élevé, dans l'absolu. Cela crée une incertitude, avec un électorat FN insaisissable» qui peut jouer les trouble-fête si l'abstention est importante, poursuit l'expert. Un électeur sur quatre est tenté de s'abstenir, d'après une enquête BVA.

«Objectivement, je ne vois pas comment elle peut passer en dessous des 15-17%», dit hors micro un ministre UMP.

De même, pour Brice Teinturier (Ipsos), «le vote n'est pas cristallisé, la photo est encore très floue». L'institut a repéré «des mouvements importants» entre candidats dans l'électorat de droite (FN inclus) comme dans l'électorat de gauche, et aussi dans l'électorat de François Bayrou soit vers la gauche, soit vers la droite.

Une certitude en revanche: pour l'instant, «la dynamique en faveur de Mélenchon n'a pas l'air de se démentir» car «on ne voit pas de tassement», observe M. Teinturier. Crédité en moyenne de 14% des voix, le candidat du Front de gauche surfe sur «un mouvement de fond», qui est «la résurgence sous une forme institutionnelle du mouvement des indignés», commente M. Rivière.

La poussée Mélenchon conduit François Hollande à mettre en garde contre «la dispersion à gauche» et à agiter «le spectre du 21 avril 2002» dans un électorat encore traumatisé par cet épisode.

Autre donnée, soulignée par Brice Teinturier et qui ressort de toutes les enquêtes: le niveau élevé de la gauche, grâce à la poussée de Jean-Luc Mélenchon, due en partie seulement à des électeurs pris sur le PS.

Le total des voix de gauche s'élève à 45,5% dans le dernier sondage Ipsos, soit un gain de 3,5 points en un mois, celui de la droite à 30,5%, avec une extrême droite à 14% et un centre (François Bayrou) à 10%.

Pour le second tour, le défi pour Nicolas Sarkozy est là. Quand François Hollande peut compter, par antisarkozysme, sur d'excellent reports de voix de tous les candidats de gauche (autour de 80%), et de 40% de celui de François Bayrou, le président sortant ne rallierait sur son nom que la moitié de l'électorat de Marine Le Pen et un tiers de celui du candidat centriste. Les reports en sa faveur dans ces deux gisements progressent toutefois.

À en croire les sondages, M. Bayrou n'est pas parvenu à relancer sa campagne avec son grand meeting parisien il y a deux semaines. Au contraire, il a reculé de deux à trois points, souffrant de la polarisation Sarkozy-Hollande. Eva Joly, elle, ne recule pas, mais stagne à un niveau très bas, autour de 2%.