À trois semaines du premier tour de la présidentielle, un tiers des Français sont tentés par l'abstention, selon un sondage, un chiffre record qui révèle la frustration de nombreux électeurs face à une campagne insaisissable qui ne répond pas à leurs préoccupations.

Le politologue Vincent Tiberj s'interroge sur cette «campagne qui ne tient pas ses promesses», comme d'autres collègues interrogés comme lui dans le quotidien Le Monde de dimanche qui relève un fléchissement de l'intérêt des Français.

Ni le président sortant Nicolas Sarkozy, qui tarde à présenter son programme, ni le socialiste François Hollande, dont la position de favori des sondages s'effrite et dont la campagne cherche un second souffle, ne suscitent un réel engouement.

Moins de la moitié des électeurs (43%) souhaitent les voir s'affronter au second tour, selon un sondage Ifop publié par l'hebdomadaire Le Journal du Dimanche, qui évalue à 32% le taux d'abstention au premier tour -un record-, en hausse de trois points sur deux semaines.

Le phénomène commence à inquiéter François Hollande, déjà fragilisé par la percée spectaculaire (jusqu'à 15% d'intentions de vote) du candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon à son détriment. Mais les électeurs de M. Mélenchon, dont beaucoup veulent adresser un message au candidat socialiste pour qu'il se positionne plus à gauche, se reporteront sans doute massivement sur lui au second tour.

«Bien plus que la dispersion, c'est l'abstention qui est le risque dans cette élection présidentielle», a averti M. Hollande dimanche lors d'un déplacement dans le département d'outre-mer de La Réunion.

Le candidat socialiste garde en mémoire le précédent de 2002, quand un taux d'abstention jamais atteint lors d'une présidentielle en France (28,4%) et la multiplicité des candidatures de gauche avait conduit à l'élimination au premier tour du socialiste Lionel Jospin.

M. Hollande a écouté ceux qui lui soufflaient de muscler un peu plus sa campagne et n'hésite plus à jouer de la dérision pour attaquer M. Sarkozy et son bilan.

Il a dénoncé dimanche «l'ardoise» laissée selon lui par le président sortant: «un chômage record», un «pouvoir d'achat amputé par des prélèvements et des taxes», des «inégalités», «l'école de la République abîmée, l'hôpital public sacrifié», «la jeunesse abandonnée».

Mais M. Hollande se refuse à modifier son programme, convaincu que son projet, fondé sur une relance de la croissance et une meilleure répartition de ses fruits, constitue sa meilleure arme.

Le programme de M. Sarkozy, en revanche, tarde à se faire connaître. Le président candidat devrait le rendre public à la fin de la semaine, mais en attendant il multiplie les annonces.

Samedi soir, devant des milliers de jeunes militants du parti présidentiel UMP, il a fustigé l'assistanat et promis la création d'une «banque pour la jeunesse» destinée à financer des projets de travail ou d'étude.

Le même jour, devant une association de victimes, M. Sarkozy a annoncé un renforcement des sanctions contre les criminels, notamment sexuels. Évoquant l'émotion suscitée par le meurtre d'un adolescent par quatre jeunes mineurs la semaine dernière, il a prôné plus de «fermeté» pour les mineurs délinquants.

Ces positions très marquées à droite peuvent permettre à M. Sarkozy de siphonner des voix de l'extrême droite, mais risquent de le couper de l'électorat centriste dont il aura besoin au second tour.