À l'issue d'une traque exceptionnelle, les forces de police françaises ont réussi à cerner mercredi l'homme suspecté d'avoir assassiné froidement un rabbin, trois enfants juifs et trois militaires au cours des 10 derniers jours dans le sud de la France.

«L'ennemi public No 1» a été identifié comme Mohamed Merah, 23 ans d'origine franco-algérienne. Il vivait à Toulouse, quelques kilomètres au sud du collège Ozar-Hatorah qui a été ciblé, lundi matin, lors d'une attaque-choc.

Selon le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, le résidant toulousain est un djihadiste qui souhaitait, par ses actions, dénoncer aussi bien le sort des enfants palestiniens que l'action de l'armée française en Afghanistan.

Les autorités ont décidé de lancer dans la nuit de mardi à mercredi une opération policière contre son appartement, situé dans un immeuble résidentiel modeste au coeur du quartier de la Côte-Pavée, l'un des plus cossus de la ville.

Merah, lourdement armé, a ouvert le feu à travers la porte, blessant légèrement deux hommes du RAID lors de l'assaut lancé à 3h du matin. La force d'intervention spécialisée a été contrainte de battre en retraite.

De longues négociations se sont ensuite engagées pour convaincre l'homme de se rendre sans ouvrir le feu. En fin de soirée, heure de Paris, les policiers ont lancé trois grenades assourdissantes pour tenter de mettre de la pression sur le suspect. Au moment de mettre sous presse, près de 24 heures après le début de l'intervention, Merah demeurait retranché dans son immeuble.

Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a expliqué en soirée que les autorités souhaitaient idéalement que M. Merah soit arrêté vivant de manière à pouvoir «le juger» tout en établissant ses «motivations» et en identifiant d'éventuels «soutiens».

Panique

L'intervention policière et les tirs du suspect embusqué ont créé un mouvement de panique dans le quartier. Pendant des heures, de nombreuses familles sont restées cachées dans leur demeure par crainte d'être ciblées.

«Lorsque l'opération a commencé, on a entendu trois séries de rafales de mitraillette et puis un long silence», a relaté Khadija Saïdi, qui habite tout près du logement ciblé. «Toutes sortes de questions nous passaient par la tête. On se demandait s'il avait tout blindé d'explosifs et s'il allait tout faire péter ou si un complice allait venir et tirer partout», a expliqué Mme Saïdi, mère de quatre enfants.

Elle s'est finalement enfuie en passant par un garage. Plusieurs autres personnes ont été évacuées par des nacelles de pompiers de manière à isoler le tireur, qui a coupé la communication avec les négociateurs à quelques reprises. Merah a ouvert le feu plusieurs fois durant la journée pour repousser d'autres tentatives du RAID.

Des résidants évacués qui ne pouvaient toujours pas réintégrer leurs quartiers en fin de soirée sont venus voir ce qui se passait sur place, se fondant à la foule de journalistes réunis à quelques centaines de mètres de l'immeuble. De nombreux curieux étaient aussi présents.

Mehdi Guebli était du nombre. L'homme de 28 ans, père d'un jeune garçon, s'est dit heureux de voir que les autorités avaient retrouvé le suspect. Il s'est dit incapable de comprendre le comportement de Mohamed Merah, et a relevé qu'il a dû «péter les plombs».

«Il nous salit»

«Il nous salit, nous, les Juifs et les Arabes, en nous tirant dessus. En plus, c'est un Arabe, je ne comprends pas», s'est indigné le jeune homme, qui craint une flambée d'islamophobie dans le pays.

Djamila Coinon-Sissani, résidante du quartier d'origine algérienne, s'est dite indignée, mais pas surprise des prétentions djihadistes de l'homme soupçonné des meurtres survenus à Toulouse et à Montauban.

«On tue pour une idéologie aberrante qui peut frapper n'importe où, n'importe quand», a déclaré la femme de 54 ans, qui s'inquiète de la montée de l'intégrisme dans le pays.

Une autre résidante, qui n'a pas voulu se nommer, a déclaré que la France était «un peu trop envahie» par les étrangers. Elle s'est félicitée du discours tenu plus tôt dans la journée par la dirigeante du Front national, Marine Le Pen, qui a invité les autorités à lancer une «guerre» contre le fondamentalisme islamique, trop longtemps «sous-estimé», selon elle, par le gouvernement.

Le président français Nicolas Sarkozy n'a pas relevé l'attaque mercredi, respectant sa promesse de ne pas faire campagne en réponse à la «tragédie nationale» qui frappe le pays.

Il s'est rendu à Toulouse pour soutenir l'action des agents du RAID avant d'assister à Montauban aux obsèques des soldats tués le 15 mars dernier, victimes, selon lui, d'une «exécution terroriste».

«Cet homme voulait mettre la République à genoux, la République n'a pas cédé, la République n'a pas reculé, la République n'a pas faibli», a-t-il déclaré.

Photo: Reuters

Une saisie d'écran d'un programme sur France 2 montre une image non datée du présumé tueur en série, Mohamed Merah.