Lancée dans une traque aux moyens exceptionnels, la police française commençait à cerner mardi la personnalité du tueur en série, auteur vraisemblable des assassinats de trois militaires et de l'attaque la veille d'une école juive, qui laissent le pays en état de choc.

Dans toutes les écoles de France, une minute de silence a été observée mardi à 11h (5h, heure de Montréal) en hommage aux victimes de l'attaque de l'école Ozar Hatorah lundi à Toulouse (sud-ouest): Jonathan Sandler, 30 ans, ses deux enfants de 4 et 5 ans, Gabriel et Arieh, et Myriam Monsonego, 7 ans. Un adolescent de 17 ans a également été grièvement blessé.

Le président français Nicolas Sarkozy a assisté lui-même à cet instant de recueillement dans un collège du centre de Paris. Il a brièvement pris la parole devant les élèves pour réaffirmer que tout serait mis oeuvre pour retrouver l'auteur des crimes.

Il devait ensuite recevoir les représentants des communautés juive et musulmane de France.

Parmi les pistes explorées par la police, figure celle d'un tueur à l'idéologie raciste et antisémite se réclamant de l'ultradroite.

Le 11 mars, le tueur en série présumé avait abattu à Toulouse un militaire d'origine maghrébine. Le 15 mars, il avait tiré sur trois soldats d'un régiment de parachutistes dans la ville voisine de Montauban, deux d'origine maghrébine, le troisième d'origine antillaise. Deux ont été tués, le troisième grièvement blessé.

Le régiment de parachutistes de Montauban, auquel appartenaient ces trois hommes, avait été le théâtre, selon plusieurs médias, de démonstrations nazies de la part de trois de ses militaires, dénoncés en 2008 à leur hiérarchie par un autre soldat qui a depuis quitté l'armée.

Une caméra autour du cou du tueur

«Effectivement des enquêtes ont lieu sur des militaires qui ont pu être chassés de l'armée et qui pourraient avoir à l'esprit un désir de revanche (...) qui ont pu exprimer des opinions néo-nazies, ça c'est vrai (...) C'est une piste, mais parmi d'autres, elle n'est pas spécialement privilégiée», a dit le ministre de l'Intérieur.

Claude Guéant a aussi révélé un détail troublant. «Un témoin a vu une petite caméra autour du cou du tueur», a-t-il dit.

C'est un appareil «permettant d'enregistrer en grand angle des images et ensuite de les visionner sur l'ordinateur», selon le ministre. «Dans mon esprit, cela serait de nature à conforter le profil psychologique de l'assassin», a-t-il considéré.

«Chacun présente (celui-ci) comme quelqu'un de très froid, très déterminé, très maître de lui dans ses gestes, de très cruel», a-t-il dit.

L'assassinat rarissime de juifs sur le sol français a entraîné le déclenchement de moyens d'exception pour retrouver cet assassin à la froideur et à la détermination inouïes et qui est donc soupçonné de sept assassinats au total.

Nicolas Sarkozy a annoncé le déclenchement, pour la première fois en France, d'un plan Vigipirate de «couleur écarlate», soit le plus haut niveau d'alerte antiterroriste, dans la grande région entourant Toulouse. Des renforts d'enquêteurs ont été dépêchés, notamment des policiers d'élite rompus aux interventions les plus délicates.

Les autorités françaises redoutent avant tout que le tueur puisse récidiver. «Pour l'instant, il n'y a pas d'élément qui nous permette de dire que nous sommes proches d'une arrestation», a reconnu mardi matin Claude Guéant, après avoir évoqué la veille la crainte d'un «quatrième attentat».

Le tueur circulait sur un scooter noir lorsqu'il a attaqué les militaires, et sur un scooter blanc lundi matin, lors de la tuerie à l'école juive. «Mais (le scooter) a pu bien entendu être transformé», a dit le ministre de l'Intérieur. Une source proche de l'enquête a indiqué à l'AFP qu'il s'agissait bien du même véhicule, un Yamaha T-MAX 500 cm3 volé le 6 mars dans la région de Toulouse.

Dans les trois fusillades, la même arme de calibre 11,43 a été utilisée.



Un pays submergé par l'émotion

L'attentat a entraîné une mise entre parenthèses de la campagne pour l'élection présidentielle (22 avril et 6 mai). Le président Sarkozy, candidat à sa succession, a indiqué qu'il ne ferait plus campagne au moins jusqu'à mercredi, date des obsèques des trois militaires à Montauban, auxquelles il assistera.

«Il n'y a pas de raison de penser qu'un candidat en fera une utilisation partisane (...) Je ne veux pas croire que quiconque essaiera d'instrumentaliser un malheur. Je ne veux même pas l'imaginer», a déclaré le candidat socialiste François Hollande, favori des sondages. Après avoir comme Nicolas Sarkozy assisté à une minute de silence dans une école, il ira également aux funérailles des soldats assassinés.

La presse française a salué mardi la retenue des candidats et ce moment de solidarité nationale.

Le pays a été submergé d'émotion. Des centaines de personnes ont assisté lundi après-midi à une cérémonie de recueillement dans une synagogue de Toulouse. Même affluence plus tard dans une synagogue parisienne, avant une marche de milliers de personnes dans les rues de la capitale.

Devant le collège Ozar Hatorah, des dizaines de bougies ont été allumées et des bouquets de fleurs déposés contre le mur d'enceinte.

Selon la tradition juive, les corps des quatre victimes, rendus dès l'après-midi aux familles, ont été veillés toute la nuit, et devaient être transportés dès mardi en Israël pour y être inhumés, a annoncé l'un des principaux responsables de la communauté juive. Parmi les victimes, les trois enfants avaient la double nationalité française et israélienne, tandis que l'adulte, le professeur, était français.

Les autorités israéliennes avaient dénoncé dès lundi un «meurtre odieux», unanimement condamné dans le monde entier.