L'ancien gardien de camp nazi, John Demjanjuk, mort samedi à l'âge de 91 ans en Allemagne où il avait été condamné en 2011 à 5 ans de prison, était un petit employé de l'Holocauste, l'un des milliers de prisonniers soviétiques recrutés par les Allemands pour perpétrer des crimes.

En mai 2011, Demjanjuk avait été reconnu coupable par un tribunal de Munich (sud de l'Allemagne) d'avoir participé au meurtre de 27 900 juifs au camp de Sobibor (aujourd'hui en Pologne), où quelque 250 000 hommes, femmes et enfants ont péri, et où il a été garde en 1943, selon le tribunal.

Sa défense fut double: il n'avait pas été garde dans un camp d'extermination, et s'il y était, il n'avait agi que contraint et forcé.

En 18 mois de procès, l'accusé n'avait rien dit, suivant la procédure bouche ouverte, le regard caché par des lunettes noires, la casquette de baseball vissée sur la tête, assis dans un fauteuil roulant ou allongé sur un brancard. Il s'était seulement dit par l'intermédiaire de son avocat «torturé» par l'Allemagne.

Il avait toutefois été remis en liberté. Demjanjuk ne représentait aucun danger et ne risquait plus de se soustraire à la justice, en raison de son âge et de son statut d'apatride, avait estimé la justice.

Ancien ouvrier automobile aux États-Unis, né en Ukraine, il avait reconnu avoir été capturé par les Allemands en 1942 alors qu'il servait dans l'Armée rouge. Il avait assuré avoir été transféré d'un camp de prisonniers à un autre jusqu'à la fin de la guerre.

Des millions de prisonniers soviétiques sont morts en captivité, assassinés par les Allemands ou victimes de la faim et du froid, mais Demjanjuk s'est vu offrir une porte de sortie, selon l'accusation.

En captivité, il a été recruté pour travailler comme garde et transféré dans le camp SS de Trawniki, dans le sud-est de la Pologne, avant de partir pour Sobibor.

L'accusation se fondait sur une carte d'identité verte de SS émise à Trawniki --numéro 1393-- d'un Ukrainien nommé Ivan Demjanjuk, avec une photo en noir et blanc qui ressemble indiscutablement à ce qu'il a dû être jeune homme. Sur cette même carte, un revolver fumant indiquerait son transfert de Trawniki à Sobibor au printemps 1943.

Les avocats de Demjanjuk ont clamé qu'il s'agissait d'un faux et affirmé qu'il n'était ni à Trawniki, ni à Sobibor.

Ce procès hautement médiatique n'était pas le premier pour Demjanjuk. En 1986, il fut jugé à Jérusalem, accusé d'avoir été «Ivan le Terrible», un garde ukrainien du camp de Treblinka (est de la Pologne) réputé pour sa cruauté.

Condamné à mort en 1988, il fut libéré 5 ans plus tard lorsqu'il apparut qu'un autre homme était «Ivan le Terrible».

Demjanjuk avait alors regagné sa banlieue de Cleveland, la ville de l'Ohio (Nord des États-Unis) où il s'est installé en 1952 et a élevé trois enfants.

Mais après des informations attestant qu'il avait été garde dans un autre camp, il fut déchu de sa nationalité américaine en 2002 pour avoir menti sur son passé lors de sa demande d'immigration.

Les États-Unis voulaient l'expulser, mais aucun pays n'en voulait. Jusqu'à ce que l'Allemagne décide de le poursuivre. Après une véritable bataille judiciaire, il fut expulsé en mai 2009 vers Munich où il avait vécu après la guerre.

À 91 ans, John Demjanjuk souffrait de problèmes de santé, dont une maladie de la moelle osseuse, mais il avait été jugé apte à comparaître. Gémissant dans un fauteuil roulant devant les télévisions américaines lors de son expulsion, il avait été filmé ensuite à son insu marchant, beaucoup plus alerte.