L'hostilité envers François Hollande des dirigeants, tous conservateurs, des quatre principaux voisins de la France a fait irruption dans la campagne présidentielle avec la révélation, toutefois démentie par Berlin, d'un boycott concerté du candidat socialiste.

Selon le magazine allemand Der Spiegel, à paraître lundi, l'Allemande Angela Merkel, l'Italien Mario Monti, l'Espagnol Mariano Rajoy et le Britannique David Cameron ont décidé ensemble de ne pas recevoir M. Hollande en raison de son intention de renégocier le pacte budgétaire européen s'il était élu.

Une porte-parole du gouvernement allemand a démenti l'existence d'un tel accord, mais confirmé l'absence de rendez-vous entre Mme Merkel et M. Hollande. «Chaque chef de gouvernement européen choisit indépendamment si et comment il souhaite recevoir M. Hollande. En Allemagne, il n'y a pour le moment aucun rendez-vous de prévu».

Sur France 3, François Hollande a réagi en direct, avec une sérénité affichée, à l'information et à son démenti. «Elle ne m'impressionne pas, cette information, C'est le peuple français qui va décider de son avenir. Ce ne sont pas des dirigeants européens, que je respecte par ailleurs, qui doivent peser sur la décision du peuple français».

Avant d'ajouter après le démenti: «J'ai l'impression que la position de Mme Merkel très en soutien de Nicolas Sarkozy crée un débat y compris dans sa propre majorité».

Dans un entretien paru dans le quotidien Die Welt, réalisé avant la publication du Spiegel, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle (libéral), a appelé la classe politique de son pays à ne pas s'immiscer dans la campagne politique française.

Selon le directeur de campagne du candidat socialiste, Pierre Moscovici, cette «pression conservatrice inédite dans l'histoire de l'Europe» rompt avec  la tradition qui veut «que le chancelier, ou la chancelière, ou le président français quand c'était le cas inverse, reçoive les principaux candidats des deux camps».

Avant la présidentielle de 2007, Angela Merkel avait successivement reçu Nicolas Sarkozy et son adversaire socialiste Ségolène Royal. En 2002, le président Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin, tous deux candidats, rencontraient de par leurs fonctions le chancelier Gerhard Schröder (SPD). Et en 1995, Helmut Kohl avait reçu, outre Edouard Balladur, alors premier ministre, MM. Chirac et Jospin.

François Hollande a demandé à être reçu par Angela Merkel, avait confirmé le 7 février son conseiller spécial, Jean-Marc Ayrault. Et il s'est rendu depuis décembre à Berlin, Rome et Londres, sans rencontrer les chefs de gouvernement.

Le député européen PS Vincent Peillon a estimé que la réaction des dirigeants européens «n'est pas une attitude de chef d'État ou de gouvernement» mais de «militant politique».

À droite, l'épisode est vu comme le signe d'un «problème de crédibilité en Europe, de crédibilité sur la scène internationale» de François Hollande, selon l'expression de la porte-parole de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet.

«François Hollande découvre à cette occasion les règles non écrites les plus élémentaires du fonctionnement diplomatique» ce qui montre son «manque d'expérience», a renchéri un autre responsable de l'UMP, Sébastien Huyghe.

D'après l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, les dirigeants conservateurs européens sont «scandalisés» par l'intention déclarée du candidat socialiste de renégocier, s'il était élu, le pacte budgétaire signé vendredi, qu'ils considèrent comme une pièce centrale du sauvetage de la zone euro.

M. Hollande a rappelé qu'en cas de victoire, il tentera «de les convaincre d'ajouter une dimension de croissance aux traités européens».

Le 6 février, Mme Merkel avait apporté son soutien à Nicolas Sarkozy après un conseil des ministres franco-allemand à Paris. Il avait été également envisagé que Mme Merkel participe à un de ses meetings. M. Sarkozy a eu aussi droit aux meilleurs voeux de David Cameron.