Le Conseil constitutionnel français a censuré mardi une loi sanctionnant la négation du génocide arménien en 1915, à l'origine d'une grave crise diplomatique entre Paris et Ankara, forçant le président Nicolas Sarkozy à demander la rédaction d'un nouveau projet.        

Le Conseil constitutionnel a estimé «qu'en réprimant la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication».

La Turquie a immédiatement exprimé sa «satisfaction», estimant que «cela donne un espoir» pour une amélioration des relations entre la France et la Turquie, selon le porte-parole de la représentation diplomatique turque à Paris Engin Solakoglu.

Cette décision a permis d'éviter une «grave crise» entre les deux pays, a affirmé le vice-premier ministre turc Bülent Arinç.

«Le Conseil constitutionnel a rendu une décision juste, éloignée des considérations politiques», s'est félicité M. Arinç sur son compte Twitter.

La loi, définitivement adoptée par le Parlement le 23 janvier, était soutenue par le président Nicolas Sarkozy, candidat à un second mandat à l'Élysée. Le président a immédiatement chargé son gouvernement de concocter un nouveau texte prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel. «Le président de la République a pris acte de la décision» et «mesure l'immense déception et la profonde tristesse de tous ceux qui avaient accueilli avec reconnaissance et espoir l'adoption de cette loi destinée à les protéger contre le négationnisme», indique la présidence dans un communiqué.

Porté à l'Assemblée le 22 décembre, le projet de loi sur la négation du génocide arménien avait déclenché la colère des Turcs, leur premier ministre Recep Tayyip Erdogan y voyant «une montée de l'islamophobie et du racisme en Europe».

Après le vote du texte, la Turquie, pays membre de l'OTAN, avait suspendu sa coopération politique et militaire avec la France. Elle avait promis de nouvelles représailles, si la loi était promulguée.

Les relations entre les deux pays se sont refroidies depuis l'arrivée au pouvoir en 2007 de Nicolas Sarkozy, hostile à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

Le président français tentait toutefois depuis le début de cette crise de calmer le jeu alors que le texte avait suscité des réticences y compris au sein du gouvernement, où le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé l'a jugé «inopportun».

Au terme de la loi, toute négation publique d'un génocide reconnu par la loi française était érigée en délit punissable d'un an de prison et de 45 000 euros (60 350 $) d'amende. La France reconnaît deux génocides, celui des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et celui des Arméniens, mais ne punit jusqu'à présent que la négation du premier.

Les Sages se sont appuyés notamment sur l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui stipule que «la liberté de communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme».

La Turquie réfute le terme de génocide, même si elle reconnaît des massacres. Quelque 1,5 million d'Arméniens, hommes, femmes et enfants, ont été massacrés, selon les historiens, en Anatolie entre 1915 et 1917.