L'École polytechnique d'Athènes a été, en novembre 1973, le lieu d'un soulèvement étudiant que la junte militaire au pouvoir a réprimé dans le sang.

La révolte est toujours célébrée en Grèce, 40 ans plus tard, comme un moment de grande portée historique. Mais les jeunes qui ont pris la relève au sein de l'établissement, dont les murs sont couverts de graffitis militants, n'ont guère l'occasion ces temps-ci de se rêver en héros.

L'impact délétère des mesures d'austérité imposées par le gouvernement, qui entend donner un nouveau tour de vis au pays après avoir sabré les salaires, les pensions et les emplois dans la fonction publique, a fait fondre les débouchés potentiels. Au point de forcer nombre de jeunes Grecs à envisager l'exil.

Bas salaires

«Pour nous, le scénario le plus probable est le départ à l'étranger», confie d'emblée Sofia Tzavella, qui poursuit sa deuxième année d'études à l'École polytechnique.

«Dans mon cas, je souhaite faire une carrière universitaire et je ne pense pas qu'il y aura des postes dans le pays pour moi. Ils se font plus rares et il devient pratiquement impossible d'en décrocher un si on n'a pas de contacts privilégiés», relève la jeune femme de 20 ans.

Certains de ses amis sont partis étudier en Grande-Bretagne et ne songent pas à revenir. «Ils s'ennuient de la maison, mais ils disent que les occasions d'emploi pour eux sont là-bas», dit Mme Tzavella.

Elle pense que le nouveau plan d'austérité approuvé dimanche va rendre la situation encore plus intenable pour les jeunes Grecs, qui sont aujourd'hui aux prises avec un taux de chômage frisant les 50%.

Ariadne Gamouras, qui étudie le génie biomédical, rappelle que les salaires sont rendus tellement bas qu'il est presque impossible dans son secteur de survenir à ses propres besoins, même avec un emploi en bonne et due forme. «Pour joindre les deux bouts, on est forcé de prendre un autre emploi. Ou bien de rester chez ses parents», souligne la jeune femme de 24 ans, qui ne croit guère à ses chances de trouver un poste dans son domaine à l'issue de sa formation.

Plusieurs diplômés qu'elle connaît se sont vus forcés de travailler dans des marchés d'alimentation ou des boutiques de vêtements après la fin de leurs études.

Mme Gamouras songe aussi à partir si elle ne trouve pas de poste conforme à ses compétences. «Ce n'est pas une décision facile de quitter son pays, sa famille, ses amis. Il va falloir que je fasse preuve de détermination et que je me décide», souligne l'étudiante, qui n'a pratiquement jamais quitté la Grèce depuis sa naissance.

»Il n'y a pas de travail»

Andreas Baldakos, qui termine une formation en physique à Athènes, connaît plusieurs personnes qui ont choisi de quitter le pays.

Sa propre soeur s'est installée l'année dernière à Toulouse, en France, pour poursuivre ses études en droit et ne sait pas si elle rentrera par la suite. Un autre ami a plutôt décidé de tenter sa chance en Australie.

«Je ne blâme pas les gens qui partent. Pour eux, c'est sans doute le meilleur choix à faire. Mais moi, j'ai l'impression que je dois rester et me battre pour faire ma vie ici. Je ne veux pas partir», souligne le jeune homme, qui espère décrocher un poste d'enseignant.

Les jeunes Grecs déjà établis à l'étranger pour leurs études ou le travail suivent avec préoccupation l'évolution économique du pays et ne sont guère pressés de revenir, dans les circonstances.

Lea Kontostanou, médecin de passage à Athènes cette semaine pour une semaine de vacances, travaille depuis quelques mois dans un établissement hospitalier suisse. Elle ne pense pas qu'elle pourra retourner s'établir de sitôt dans le pays en raison de l'ampleur de la crise économique.

«Ce ne sera pas possible avant au moins 10 ans dans l'état des choses. Il n'y a pas de travail, pas de travail», répète la jeune femme de 25 ans.

L'émigration grecque

Proportion des citoyens de ces pays qui vivent à l'étranger

Grèce: 10,8%

Canada: 3,5%

États-Unis: 0,8%

France: 2,8%

Allemagne: 4,3%

Italie: 5,8%

Source: Banque mondiale, 2010