Le Président de la République allemande Christian Wulff, accusé de corruption et menacé de perdre son immunité, a démissionné vendredi, créant un nouveau casse-tête pour la chancelière Angela Merkel qui l'avait fait élire.

M. Wulff, 52 ans, dont le parquet de Hanovre (nord) avait réclamé jeudi soir au Bundestag (chambre basse du parlement) la levée de l'immunité après des soupçons de prévarications (manquements à ses obligations), a annoncé sa démission peu après 11h locales (5h, heure de Montréal) depuis du Château de Bellevue à Berlin.

Ce conservateur que la chancelière Merkel avait difficilement fait élire il y a moins de deux ans à un poste essentiellement honorifique, mais qui représente une autorité morale, a admis que la «confiance» de ses citoyens était «affectée».

«Pour cette raison, il ne m'est plus possible d'exercer mes fonctions. C'est pour cela que je démissionne», a déclaré solennellement M. Wulff, qui admis «des erreurs» tout en assurant n'avoir rien fait l'illégal.

Comme le prévoit la Loi fondamentale (constitution), l'intérim sera assuré par le président du Bundesrat (chambre haute du Parlement, qui représente les États), Horst Seehofer.

Angela Merkel, chef de la première économie européenne vers laquelle tous se tournent en cette période de crise, a dû annuler in extremis une visite en Italie où elle devait rencontrer ce vendredi le premier ministre Mario Monti, pour des consultations sur l'euro.

Dans une déclaration depuis la chancellerie, elle a dit vouloir mener des discussions avec les partis d'opposition, les sociaux-démocrates (SPD) et les Verts, «pour proposer un candidat commun pour l'élection du prochain président de la République». Elle a annoncé un début des consultations samedi entre les partenaires de sa coalition, ses Unions chrétiennes (CDU/CSU) et leurs alliés Libéraux (FDP).

La secrétaire générale du SPD Andrea Nahles et la chef des députés Verts Renate Künast, dont les partis réclamaient une levée de l'immunité du président, ont immédiatement «salué» l'offre de la chancelière.

M. Wulff était depuis mi-décembre sous le feu des critiques des médias et de l'opposition, accusé d'avoir profité de sa position à la tête de la Basse-Saxe (2003-2010) pour obtenir des avantages financiers divers et multiples, puis d'avoir tenté d'étouffer ces affaires. Début janvier il avait refusé de démissionner.

Le plus jeune président allemand faisait figure de conservateur moderne, mais un peu terne jusqu'à ce qu'une série de scandales le propulse sur le devant de la scène médiatique.

Des attaques quasi quotidiennes dans la presse lui reprochaient d'avoir occulté un prêt, profité de vacances gratuites chez de riches entrepreneurs en Italie, à Majorque, aux États-Unis, puis d'avoir tenté de faire pression sur des journalistes, notamment sur le puissant journal Bild, afin d'empêcher la sortie de nouvelles révélations.

Au sein de l'opinion, 77% des Allemands estimaient que son image était durablement abîmée et 48% voulaient sa démission, selon un récent sondage.

Élégant, souriant, M. Wulff avait été péniblement élu le 30 juin 2010 président, au troisième et dernier tour de scrutin, où la majorité simple suffisait. Une humiliation pour Mme Merkel qui le présentait, car la coalition gouvernementale disposait théoriquement de la majorité à l'assemblée électorale

La chancelière avait déjà eu du mal à trouver un candidat à installer au Château Bellevue après la démission-surprise de Horst Köhler, victime de déclarations sur le rôle de l'Allemagne en Afghanistan qui avaient fait scandale.