Des milliers de Turcs de partout en Europe ont défilé dans la capitale française, samedi, pour dénoncer un projet de loi qui criminaliserait le fait de nier que les meurtres d'Arméniens par des Turcs ottomans il y a près d'un siècle étaient un génocide.

Jeunes et vieux, brandissant leur drapeau national ou drapés de celui-ci, ont marché en direction du Sénat, où le projet de loi sera débattu lundi après son adoption, en décembre, à la chambre basse.

Les manifestants transportaient des bannières indiquant «Non à la loi de la honte de Sarkozy», «L'Histoire pour les historiens, la politique pour les politiciens», ou d'autres slogans dénonçant une tentative alléguée du président Nicolas Sarkozy d'«aller chercher des votes» auprès des Arméniens français avant les élections présidentielles, réparties sur deux tours d'avril et mai. Environ 500 000 Arméniens vivent en France.

La mesure viendrait criminaliser la négation du fait que les tueries de masse d'Arméniens en 1915 par les Turcs ottomans constituent un génocide. La peine pourrait aller jusqu'à un an de prison et une amende de 45 000 euros pour ceux qui nient ou «minimisent outrageusement» les massacres, plaçant une telle action sur un pied d'égalité avec la négation de l'Holocauste.

La France a officiellement reconnu les massacres de 1915 comme un génocide en 2001, mais n'a imposé aucune pénalité pour toute personne réfutant de tels faits.

Malgré le fait que près d'un siècle se soit écoulé depuis les événements, la question demeure toujours aussi délicate pour les Arméniens qui ont perdu des proches, et pour les Turcs qui y voient une atteinte à leur honneur national. La Turquie, courroucée, a brièvement rappelé son ambassadeur en France et a suspendu toute coopération militaire, économique et politique avec la France.

«Les politiciens qui n'ont pas lu un article sur la question disent qu'il s'agissait d'un génocide», a déclaré Beuhan Yildirim, un manifestant âgé de 35 ans et originaire de Berlin. Il fait partie de ceux qui ont pris l'autobus en direction de Paris pour la marche de samedi.

Les Arméniens prévoient aussi manifester près du Sénat lundi avant le débat et le vote.

Il n'est pas possible de savoir si la mesure sera aussi facilement acceptée qu'à l'Assemblée nationale, la Chambre basse plus puissante.

Le Sénat est contrôlé par les socialistes qui appuyaient précédemment le projet de loi. La Commission sénatoriale sur les lois a toutefois voté contre son adoption la semaine dernière, stipulant que la mesure risquait de violer les protections constitutionnelles incluant la liberté d'expression.

La question est de savoir si les socialistes tiendront compte des recommandations pour la simple et bonne raison que la question devient politiquement très délicate.