Un procureur proche de Nicolas Sarkozy, Philippe Courroye, a annoncé avoir été mis en examen (inculpé) mardi dans l'enquête sur l'espionnage de journalistes du quotidien Le Monde, dont les relevés téléphoniques ont été surveillés, dans un communiqué à l'AFP.

Un procureur proche du président français Nicolas Sarkozy, Philippe Courroye, a été inculpé mardi dans l'enquête sur l'espionnage de journalistes du Monde qui travaillaient sur l'affaire Bettencourt, scandale politico-financier embarrassant pour le pouvoir.

Philippe Courroye a lui-même annoncé sa mise en examen (inculpation) dans cette l'enquête sur l'espionnage de journalistes, dans un communiqué à l'AFP.

Des relevés de communications téléphoniques (ou «fadettes») ont été analysés dans le but d'identifier la source des journalistes qui travaillaient sur le dossier politico-financier lié à la milliardaire Liliane Bettencourt, héritière du géant des cosmétiques L'Oréal.

Philippe Courroye, procureur de Nanterre (près de Paris), «conteste vigoureusement sur la forme et sur le fond» cette mise en examen par la juge parisienne Sylvia Zimmermann pour «collecte illicite de données à caractère personnel par un moyen frauduleux déloyal et illicite» et pour «violation du secret des correspondances», selon son communiqué.

«Cette mise en examen est, au regard du fonctionnement de la justice, d'une extrême gravité puisqu'elle touche au pouvoir d'enquête du procureur de la République, mission qu'il exerce, aux termes de la loi, au service de l'intérêt général», affirme encore M. Courroye.

L'affaire Bettencourt était partie d'un différend familial entre la milliardaire et sa fille. Elle avait rapidement dégénéré en un scandale politico-financier, qui a coûté son poste fin 2010 de ministre du Travail à Éric Woerth et éclaboussé le président Nicolas Sarkozy, certains témoins ayant évoqué un possible financement illicite de sa campagne électorale en 2007. Éric Woerth était à cette époque trésorier du parti de M. Sarkozy.

Philippe Courroye a fait l'objet de fortes critiques depuis sa nomination à la tête du parquet de Nanterre en 2007, notamment pour sa gestion du dossier Bettencourt.

En France, les procureurs dépendent hiérarchiquement du ministère de la Justice. Ils ont la possibilité de conduire des enquêtes, mais, en général, ils confient les affaires les plus sensibles ou les plus complexes à des juges d'instruction indépendants.

Un autre proche de Nicolas Sarkozy, le chef du contre-espionnage français, Bernard Squarcini, a également été mis en examen le 17 octobre dans ce dossier.

Au cours de son audition, Bernard Squarcini avait admis avoir cherché à trouver la source du journaliste du Monde Gérard Davet en passant au crible ses factures détaillées de téléphone.

Il avait expliqué à la juge Sylvie Zimmermann que le chef de la police Frédéric Péchenard, un autre proche du président, lui avait demandé en juillet 2010 d'identifier la source du journal Le Monde, sans lui indiquer de «modus operandi» pour y parvenir.

En septembre, M. Péchenard avait assumé avoir demandé au contre-espionnage d'«identifier le haut fonctionnaire qui, soumis au secret professionnel et ayant un accès direct à des documents confidentiels, divulguait des informations confidentielles sur une affaire judiciaire en cours».

M. Péchenard n'a pas été inculpé. Et, en dépit de sa mise en cause, le chef du contre-espionnage Bernard Squarcini n'a pas été suspendu de ses fonctions.

Quant au procureur Courroye, il avait affiché avant même sa mise en cause sa ferme volonté de ne pas démissionner en cas d'inculpation. Mais d'autres formes de mises à l'écart peuvent le menacer, comme une mutation et une mise en disponibilité de la magistrature.

L'avocat du Monde, Me François Saint-Pierre, a rappelé mardi que le quotidien «avait décidé de porter plainte quand il a appris qu'une demande de renseignements sur des journalistes avait été sollicitée par le procureur Courroye, une demande qu'il assimile à de l'espionnage».