Et si l'Écosse damait le pion au Québec? C'est en tout cas ce qu'espère le chef indépendantiste Alex Salmond, déjà en campagne pour un référendum sur la souveraineté de l'Écosse. Mais il doit composer avec un adversaire fort. Le premier ministre de la Grande-Bretagne, David Cameron, semble avoir appris de la déroute référendaire du Québec, l'épine au pied de son homologue écossais.

Mai 2011. Le centre londonien de la presse étrangère fourmille de journalistes. Ils sont sous le charme du premier ministre de l'Écosse, deux semaines après sa spectaculaire victoire aux législatives. Les Écossais sont prêts pour un référendum, proclame le chef indépendantiste Alex Salmond, à la tête du premier gouvernement majoritaire de l'histoire de la province.

Son sourire disparaît lorsque l'auteure de ces lignes lui rappelle les défaites référendaires des souverainistes québécois et lui demande quelles sont les «conditions gagnantes» d'un plébiscite. «C'est une comparaison injuste, a répondu le chef du Scottish National Party (SNP). Lorsque nous tiendrons un référendum, nous le gagnerons.»

»Neverendum»

Le Québec est revenu hanter Alex Salmond cette semaine lorsqu'il a croisé le fer avec David Cameron. Pour la première fois, Londres cherche à imposer la tenue d'un référendum dans les 18 prochains mois et accuse le premier ministre écossais de chercher à gagner du temps.

C'est une astuce. Seulement un tiers des Écossais souhaitent la souveraineté, selon les sondages. La majorité d'entre eux voudraient plutôt rapatrier des pouvoirs à Édimbourg, leur capitale.

«Ce n'est pas un référendum que veut Alex Salmond, c'est un «neverendum», a affirmé mercredi David Cameron. Il est temps d'en discuter et de garder notre pays uni.» L'expression neverendum, jeu de mots avec never-ending («interminable»), a été inventée en 1992 par le chroniqueur montréalais Josh Freed.

Nullement intimidé, Alex Salmond a répliqué en fixant la consultation populaire à l'automne 2014.

Mais le gouvernement britannique évoque maintenant la question de la «clarté référendaire», un concept qui a force de loi au Canada depuis 2000. «Il y a un manque de clarté qui encourage l'incertitude économique», a affirmé cette semaine le ministre responsable de l'Écosse au Parlement britannique, Michael Moore.

Souveraineté pétrolière

L'économie. C'est pourtant l'argument clé des troupes d'Alex Salmond. L'économiste de formation a d'ailleurs fait la leçon à David Cameron dans le Financial Times sur la relance économique de l'Écosse, en meilleure posture que le reste du Royaume-Uni.

En outre, les revenus de l'exploitation pétrolière dans les eaux écossaises vont directement dans les coffres de Londres depuis la découverte des gisements, en 1971. Une somme cumulative de 400 milliards de dollars canadiens. Le SNP nationaliste avait d'ailleurs fait campagne dans les années 70 avec le slogan: «C'est notre pétrole.»

«Une Écosse indépendante serait au sixième rang des pays les plus riches du monde», a déclaré le ministre des Finances écossais, John Swinney, en octobre dernier. Le pétrole de la mer du Nord rapporte 21 milliards de dollars par année aux Britanniques.

Le mouvement indépendantiste écossais n'est pas tant une affaire d'identité qu'un désir d'autonomie. Contrairement au Québec, le gouvernement écossais a un pouvoir fiscal très limité. La majeure partie de son budget provient de Londres.

Édimbourg aimerait également pouvoir prendre ses propres décisions en matière de défense et, surtout, d'économie. Le SNP, qui se réclame de la social-démocratie, est en rupture avec la cure d'austérité du gouvernement britannique conservateur, impopulaire auprès des 5 millions d'Écossais.

Inquiétudes

Cependant, une frange importante de la communauté d'affaires écossaise s'inquiète et exige des réponses des séparatistes, par exemple au sujet d'une éventuelle taxation transfrontalière avec l'Angleterre. «Nous aimerions que la légalité d'un référendum soit au-dessus de tout soupçon», a affirmé cette semaine le président de CBI Scotland, Iain McMillan.

Après les premières salves entre les camps fédéraliste et souverainiste, la députée du SNP Linda Fabiani a affirmé à La Presse que des centaines d'Écossais se sont joints à sa formation dans les derniers jours.

Le politologue James Mitchell ne s'en étonne pas. «Les Écossais se sentent incompris par les conservateurs depuis l'ère Thatcher. David Cameron fait fausse route», dit l'auteur et professeur à l'Université de Strathclyde.

À quand une déclaration d'amour aux Écossais orchestrée par David Cameron?