L'Allemagne a décidé en 2007 de porter l'âge de la retraite à 67 ans, mais c'est seulement à partir du 1er janvier 2012 que cette réforme va très graduellement entrer en vigueur, dans un pays où l'emploi des plus âgés reste insuffisant.

Les natifs de 1947 seront les premiers à subir les effets de la loi votée lors du premier mandat d'Angela Merkel, une «grande coalition» entre conservateurs et sociaux-démocrates: pour eux, l'âge officiel de la retraite sera de 65 ans et un mois, au lieu de 65 ans pour leurs aînés.

À coup d'allongements d'un puis deux mois par an, l'âge d'entrée en retraite sera ainsi porté à 67 ans d'ici à 2031.

Contestée notamment par les syndicats, la réforme doit permettre la survie d'un système par répartition malmené par le vieillissement démographique: natalité en berne et espérance de vie élevée font de l'Allemagne un pays vieux, et le phénomène est appelé à s'aggraver.

Selon Eurostat, l'Allemagne est le pays européen qui compte le plus d'habitants de plus de 65 ans (20,6%).

Or à l'heure actuelle, la grande majorité des actifs ne travaille pas jusqu'aux 65 ans requis: c'est à 63 ans et demi en moyenne que les Allemands décrochent. Il est en effet possible de partir en retraite à partir de 63 ans, après avoir cotisé pendant 35 ans, mais au prix d'une décote.

Ce qui fait dire à Ulrike Mascher, présidente du collectif de défense des droits sociaux VdK, que «le danger de pauvreté des plus âgés va croître».

Pour Annelie Buntenbach, membre du directoire de la confédération syndicale DGB, «tant que les salariés n'ont pratiquement aucune chance de travailler ne serait-ce que jusqu'à 65 ans, la retraite à 67 ans n'est qu'un programme de réduction du montant des retraites».

À la faveur d'une reprise de l'économie depuis mi-2009, «le marché de l'emploi des plus âgés s'est amélioré», relève toutefois Martin Dietz, de l'institut de recherche sur le travail IAB.

En 2010, 57,7% des 55-64 ans travaillaient encore, contre 39% seulement sept ans plus tôt. L'Allemagne affiche un taux supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE (54%) et bien supérieur à la France par exemple (39,7%).

Chez les 60-64 ans, 40,5% sont encore actifs. Mais seulement un peu plus d'un quart ont un emploi soumis à cotisations sociales, un «vrai travail» qui ne soit ni un petit boulot, ni une activité d'appoint.

Le parti social-démocrate (SPD), plus grande force d'opposition et l'un des artisans de la réforme de 2007, réclame que sa mise en oeuvre soit différée tant que la proportion de seniors ayant un emploi répondant à ce critère est inférieure à 50%.

Mais pour le gouvernement, il n'est pas question de revenir sur l'allongement de la vie active.

Les plus de 60 ans qui ne travaillent pas l'ont parfois choisi, commente un porte-parole de la ministre conservatrice (CDU) de l'Emploi Ursula Von der Leyen, selon qui beaucoup «ont investi dans une retraite privée, acheté une maison, et peuvent se permettre de partir avant».

L'aile gauche de la CDU, sans vouloir toucher à la réforme, est elle consciente des risques de paupérisation qu'elle fait peser sur certaines populations.

Karl-Josef Naumann, l'un des membres de ce courant, a réclamé un assouplissement des règles sur les emplois d'appoint des seniors, et appelé les entreprises à en faire plus pour les embaucher.

Le ministère de l'Emploi renvoie aussi la balle aux employeurs. «Il faut encore arriver à de nettes améliorations dans les entreprises elles-mêmes», reconnaît son porte-parole.

Car on est loin pour le moment d'un vrai marché de l'emploi des seniors. «Plus on est vieux, plus il est difficile de trouver du travail», constate M. Dietz de l'IAB.