Vladislav Sourkov, qui a été nommé mardi vice-premier ministre après avoir oeuvré dans l'ombre des murailles du Kremlin pendant 12 ans, est considéré comme l'éminence grise du pouvoir russe et est, à ce titre, l'une des figures les plus détestées par l'opposition.

Sa nomination au gouvernement en charge de l'innovation et de la modernisation de la Russie place sur le devant de la scène cet homme de 47 ans à l'allure juvénile qui avait été pendant dix ans largement à l'abri des projecteurs en tant chef-adjoint de l'administration du Kremlin.

Cette discrétion ne l'a pas empêché d'être désigné par l'opposition russe comme le mauvais génie et inventeur d'un système politique au service de l'homme fort du pays Vladimir Poutine.

Ses détracteurs ont même créé un adjectif sur la base de son nom pour décrire la ligne éditoriale des télévisions russes: «la propagande sourkovienne».

Fin stratège au coeur du pouvoir russe depuis douze ans, médias et experts lui prêtent une influence parfois décrite comme quasi-machiavélique sur la scène politique russe.

«C'est un marionnettiste, il a privatisé le système politique, fait pression sur les médias et désinforme la direction du pays,» a dit de lui le milliardaire Mikhaïl Prokhorov, qui a été brutalement écarté des législatives de décembre mais se présente à la présidentielle de mars 2012.

Vladislav Sourkov n'a pour sa part jamais caché son admiration et son dévouement pour l'homme fort du pays. «Je pense que Poutine est un homme que Dieu et le destin ont envoyé à la Russie lorsqu'elle traversait une période difficile», déclarait-il en juillet.

Arrivé au Kremlin dans les derniers mois de la présidence de Boris Eltsine en 1999, soit au moment où Vladimir Poutine, alors chef du FSB (service fédéral de sécurité), accédait au poste de premier ministre, Vladislav Sourkov n'a fait qu'accroître son influence lorsque celui-ci est devenu président au début 2000.

Durant ces années de reprise en mains de la Russie par l'ex-agent du KGB, il est nommé chef-adjoint de l'administration présidentielle. Il est l'auteur des concepts de «démocratie dirigée», ou «démocratie souveraine», invoqués pour justifier la voie particulière adoptée par le Kremlin dans ce domaine.

Il est aussi largement considéré comme l'architecte du parti de Vladimir Poutine, Russie unie, qui quadrille toutes les institutions politiques et administratives russes, et du mouvement de jeunesse Nachi, chargé de mobiliser les foules lorsqu'il faut manifester en masse un soutien au pouvoir.

En 2008, lorsque Vladimir Poutine, frappé par la limite constitutionnelle de deux mandats présidentiels consécutifs, laisse la place à Dmitri Medvedev pour prendre la tête du gouvernement, Vladislav Sourkov reste à son poste au Kremlin.

«Il est indispensable aux autorités», résumait fin novembre Gleb Pavlovski, un ancien conseiller politique du Kremlin tombé en disgrâce.

Deux jours avant la grande manifestation de l'opposition, il a surpris les observateurs en déclarant que le régime devait engager des réformes pour regagner son «autorité morale».

«Qui voudra appuyer la corruption, l'injustice et un système sourd dont l'idiotie progresse? Personne! Même ceux qui en font partie», a-t-il déclaré.

M. Sourkov connaît aussi mieux que quiconque les arcanes du pouvoir russe et ses liaisons dangereuses avec les grands patrons.

Avant de servir Vladimir Poutine, il a été de 1991 à 1996 sous les ordres de celui qui deviendra l'homme à abattre: Mikhaïl Khodorkovski, le milliardaire qui est devenu le prisonnier le plus célèbre du pays après s'être fait mécène de l'opposition et de la société civile.

Il serait aussi l'auteur d'un roman racontant une histoire d'amour et de solitude dans un monde politique corrompu. L'ouvrage, «Près de zéro», a été publié en 2009 sous le pseudonyme de Natan Doubovitski. Or l'épouse de M. Sourkov s'appelle Natalia Doubovitskaïa.