La justice ukrainienne a rejeté vendredi l'appel de l'opposante Ioulia Timochenko condamnée en octobre à sept ans de prison, défiant les pressions de l'UE qui a réclamé la libération de l'ex-première ministre au cours d'un sommet avec l'Ukraine cette semaine.

La cour d'appel de Kiev a décidé de «laisser sans changement» le verdict prononcé en octobre par le tribunal Petcherski de la capitale, a annoncé la juge Olena Sitaïlo qui examinait depuis le 1er décembre l'appel interjeté par l'opposante.

Ni Mme Timochenko ni ses avocats n'étaient présents dans la salle d'audience pendant l'énoncé du jugement, a constaté une journaliste de l'AFP.

L'opposante a dénoncé depuis sa cellule de prison la «décision honteuse» du tribunal, dans une déclaration diffusée par son service de presse.

«Chaque Ukrainien risque d'être privé de liberté et de ses droits, et l'Ukraine risque de perdre son indépendance», a-t-elle déclaré. «Peu importe que je sois en prison ou ailleurs (...) je n'arrêterai jamais ma lutte» pour changer cette situation, a-t-elle poursuivi.

Égérie de la «Révolution orange» de 2004, incarcérée depuis août, Mme Timochenko a été condamnée pour avoir conclu avec la Russie, lorsqu'elle était première ministre, des accords sur le gaz considérés comme défavorables à son pays.

Elle a aussi été condamnée à rembourser à la société d'État des hydrocarbures Naftogaz près de 200 millions de dollars de pertes liées à ces accords, selon le jugement rendu en première instance, confirmé vendredi par la cour d'appel.

Mme Timochenko, qui est également visée par une série d'autres enquêtes judiciaires, n'a eu de cesse de dénoncer ces poursuites, accusant le président Viktor Ianoukovitch de chercher à se débarrasser de sa principale concurrente.

L'opposante, qui ne peut pas marcher en raison de fortes douleurs au dos d'après ses proches, et ses avocats ont décidé jeudi de boycotter le procès en appel, renonçant par avance à se pourvoir en cassation.

«Cela n'a plus aucun sens de chercher la vérité devant les tribunaux» ukrainiens, avait estimé dans une déclaration Mme Timochenko qui en appelle à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

L'opposante avait déjà saisi cette instance d'une plainte portant sur sa détention. La CEDH a annoncé lundi qu'elle allait traiter ces griefs «en priorité», évoquant «la gravité et le caractère sensible des allégations soulevées».

Les poursuites contre Mme Timochenko ont été vertement critiquées par l'Union européenne qui les juge politiques et réclame la remise en liberté de l'opposante et la possibilité pour elle de participer aux législatives d'octobre 2012.

L'UE a prévenu M. Ianoukovitch que la signature de l'important accord d'association avec Kiev dépendrait de l'état de la démocratie et notamment de l'affaire Timochenko, au cours d'un sommet avec l'Ukraine cette semaine.

Le président ukrainien a cependant insisté après le sommet sur le fait qu'il n'avait pas compétence de s'ingérer dans cette affaire, laissant entendre que l'opposante resterait incarcérée. Et son parti a, à plusieurs reprises, refusé de soutenir un projet de dépénalisation de charges pesant sur Mme Timochenko.

Selon l'analyste politique Olexy Garan, M. Ianoukovitch a «une phobie de Timochenko» qui reste sa rivale politique la plus sérieuse.

«Il veut l'anéantir et ne comprend pas les conséquences que cela entraînerait pour lui personnellement et pour les relations du pays avec l'Europe. Certains dans son entourage en profitent pour le pousser vers le Kremlin», estime l'expert.