Son slogan appelant à voter «pour n'importe quel parti, sauf le parti des bandits et des voleurs» a fortement contribué à la débâcle de la formation de Vladimir Poutine aux législatives du 4 décembre. Hier, le blogueur anticorruption Alexeï Navalny a recouvré la liberté après 15 jours de détention. Pour la nouvelle coqueluche de l'opposition russe, la lutte contre le régime Poutine ne fait que commencer.

«Ce qui est arrivé est extraordinaire. Nous avons été emprisonnés dans un pays et en sortant, nous nous sommes retrouvés dans un autre!»

Lorsque Alexeï Navalny et une dizaine d'autres manifestants ont été jetés en prison au lendemain des législatives, le mouvement de contestation contre les résultats «frauduleux» du scrutin n'était encore qu'embryonnaire. En recouvrant la liberté hier, ils sont revenus dans un monde où le pouvoir de Vladimir Poutine était plus ébranlé que jamais en une décennie. Et cela, c'est un peu grâce à lui.

À peine 6% des Russes (et 15% des Moscovites) le connaissent, mais le surnom qu'il a collé à Russie unie est désormais ancré dans le vocabulaire de tous les détracteurs du système Poutine: «Le parti des bandits et des voleurs.» Même les partis de l'opposition qui siègent au Parlement, habituellement plus ou moins loyaux envers le régime qui les nourrit, ont utilisé à souhait ce slogan pour leur campagne électorale.

Vingt-quatre heures après le scrutin, Alexeï Navalny haranguait la foule de quelques milliers de citoyens venus manifester dans le centre de Moscou pour dénoncer les fraudes électorales, qui avaient permis selon eux à Russie unie de conserver de justesse sa majorité à la Douma (Chambre basse). À la fin du rassemblement, le juriste de 35 ans a été arrêté pour ne pas s'être soumis aux ordres de la police, lorsqu'il marchait avec des partisans vers une station de métro. Les autorités, qui absorbaient encore la surprise d'un tel réveil populaire après des années d'apathie politique, y ont vu une tentative de déstabilisation.

À 2h30 dans la nuit de mardi à hier, ils étaient une centaine de journalistes et supporteurs à être venus accueillir Navalny à sa sortie de prison. Près de 6000 internautes regardaient également l'événement en direct, relayé par un vidéaste amateur. Les télévisions officielles, étroitement contrôlées par le Kremlin, n'en ont pas glissé un mot, comme elles ne l'invitent jamais sur leur plateau.

Un nationaliste

Pourtant, au cours de la dernière année, Alexeï Navalny est devenu un incontournable de l'opposition russe. S'il ne fait pas l'unanimité en raison de ses convictions nationalistes, il est encensé pour la lutte acharnée contre la corruption qu'il mène, ciblant particulièrement les entreprises et institutions publiques, peu portées sur la transparence.

Pendant son séjour derrière les barreaux, ses fans ont lancé une pétition sur l'internet pour qu'il affronte Vladimir Poutine à la présidentielle de mars prochain. Une militante écologiste connue a également demandé au parti libéral Iabloko - dont Navalny a été exclu en 2004 pour «nationalisme» - d'en faire son candidat.

Mais en recouvrant la liberté, le principal intéressé a bien fait comprendre qu'il n'entendait pas participer à un scrutin tant que le régime Poutine aurait la mainmise sur le processus électoral et pourrait disqualifier des candidats pour des raisons «techniques». «L'une de nos exigences devra être qu'il y ait une nouvelle présidentielle libre. Et à cette élection, plusieurs personnes vont participer, dont moi probablement», a-t-il simplement indiqué.

En attendant, Navalny appelle les électeurs à conserver la même stratégie que pour les législatives: voter pour n'importe quel candidat sauf Poutine.

Malaise à la Douma

Hier, la nouvelle Douma issue du scrutin du 4 décembre s'est réunie pour la première fois. Signe du malaise postélectoral, la session a été inaugurée par le doyen des députés et non pas, comme le veut la tradition, par le président de la Commission électorale centrale, Vladimir Tchourov, considéré par l'opposition comme le chef d'orchestre des fraudes électorales.

Les partis de l'opposition avaient menacé de quitter la salle si Tchourov se présentait à la séance. Le nouveau président de la Douma et ex-chef de l'administration présidentielle, Sergueï Narychkine, a promis que la Chambre basse serait désormais «un bon endroit pour les débats les plus sérieux et concrets».

Il a ainsi fait écho aux déclarations de son prédécesseur, Boris Gryzlov -aussi proche de Poutine-, qui a déjà affirmé que le Parlement n'était «pas une place pour la discussion».

Aujourd'hui, le président Dmitri Medvedev présentera son quatrième et dernier discours annuel devant les parlementaires. Selon des sources citées par les médias russes, il devrait notamment promettre une plus grande participation de la société civile dans le processus démocratique.