En Russie, manifester pour Poutine peut vous permettre d'arrondir vos fins de mois.

Sur le site massovka.ru («figurants.ru»), plusieurs petites annonces promettaient au cours de la fin de semaine l'équivalent de 6 à 13 dollars pour aller écouter des chanteurs pop célébrer la loi fondamentale du pays à deux pas du Kremlin.

«Filles et garçons actifs et décents de 17 ans et plus sont recherchés pour assister au concert du Jour de la Constitution demain/aucun slogan à scander, suffit de regarder le concert/rencontre au métro Kourskaïa à 14h30/400 roubles remis dès la fin du spectacle.»

Or lundi, jour de l'évènement, plusieurs de ceux qui ont répondu à l'appel ont dû être déçus: ils assistaient plutôt à une manifestation de soutien à Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, dont les portraits ornaient la scène. Pour seule musique, ils ont eu droit à l'hymne national russe, interprété par le crooner Iosif Kobzon, député de Russie unie, la formation de Poutine.

Heureusement pour eux, la manifestation - une suite presque ininterrompue de discours en l'honneur du premier ministre et du président - n'a duré que 34 minutes.

Contraints et menacés

Hormis ceux qui avaient répondu à une petite annonce, plusieurs groupes avaient été transportés par autocar des villes avoisinant la capitale. Dans une vidéo diffusée sur l'internet par Radio Svoboda, des travailleurs migrants non citoyens russes expliquent être venus à la manifestation selon les directives de leur employeur. Des étudiants de l'Institut pédagogique d'État de Moscou ont raconté au site OpenSpace.ru que leur directeur les avait contraints de s'y rendre pour sauver leur institution, menacée de fermeture.

Après la fin officielle de l'événement, des groupes hétéroclites se tenaient patiemment près d'une station de métro, refusant de répondre aux questions des reporters. La journaliste catalane Natalia Boronat a eu la réponse à ses interrogations tout à fait par hasard. «J'attendais pour faire un direct à la radio lorsque, en voyant mon calepin, une jeune fille s'est approchée pour me demander si c'est moi qui distribuais l'argent.»

En soirée, la télévision russe et la police rapportaient une assistance de 25 000 personnes. Selon l'estimation du représentant de La Presse et de plusieurs médias, ils n'étaient guère plus de 5000. Mais l'objectif était clair: après le rassemblement monstre de 50 000 personnes (25 000 selon la télévision et la police) samedi à Moscou pour dénoncer les résultats «frauduleux» des législatives du 4 décembre, remportées par Russie unie, le pouvoir voulait montrer qu'il n'était pas en manque de partisans. Quitte à les payer pour qu'ils agitent un petit drapeau à l'effigie de leur parti.