Les tractations intenses qui se déroulent entre Berlin et Paris relativement à la crise de la dette font monter la tension politique en France, où fusent depuis quelques jours les accusations de «germanophobie».

Le premier ministre François Fillon a prévenu dimanche qu'il était «grand temps» que le candidat de la formation de gauche à l'élection présidentielle, François Hollande, mette un terme «à la dérive stupide» de députés de son camp qui «tentent de jouer sur des formes du sentiment national appartenant au passé».

Leur tactique «irresponsable», a prévenu M. Fillon sur un ton alarmiste, «pourrait libérer des forces enfouies aux tréfonds de notre histoire et enclencher la mécanique infernale de la division».

Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, avait affirmé dans la même veine, la semaine dernière, qu'il est «honteux, par hargne partisane, de fragiliser notre acquis le plus précieux: la réconciliation, l'amitié franco-allemande».

Le fantôme de Bismarck

À l'origine de ces hauts cris, la sortie d'abord du député socialiste Arnaud Montebourg, qui s'est indigné il y a quelques jours de la volonté de la chancelière allemande Angela Merkel de resserrer les mécanismes d'intégration budgétaire des pays de la zone euro en empiétant sur la souveraineté nationale.

Le politicien, qui avait créé la surprise lors de la primaire socialiste en octobre en terminant au troisième rang avec un discours très marqué à gauche, a déclaré que «le nationalisme allemand est en train de ressurgir à travers la politique à la Bismarck engagée par Mme Merkel».

Cette comparaison avec l'ex-homme fort allemand, qui fit la guerre à la France en 1870, ne visait pas à critiquer l'Allemagne, mais plutôt «l'annexion de la droite française par la droite prussienne», a précisé M. Montebourg face à la polémique.

Un autre député socialiste, Jean-Marie Le Guen, a usé d'une rhétorique similaire en comparant, à l'issue d'un récent sommet, le président français Nicolas Sarkozy à Édouard Daladier. Cet homme politique français avait signé les accords de Munich avec l'Allemagne, en 1938, dans l'espoir d'apaiser le régime d'Adolf Hitler.

«J'avais parlé de Daladier, c'est-à-dire non pas de l'Allemagne, mais de la manière dont un dirigeant français revient d'une négociation dont il n'a rien obtenu avec des airs triomphants», a expliqué M.Le Guen.

«Ne confondons pas les politiques des gouvernements avec les pays eux-mêmes», a pour sa part déclaré François Hollande. Le candidat socialiste était hier à Berlin pour rencontrer ses homologues du Parti social-démocrate, alors qu'Angela Merkel était à Paris en compagnie de Nicolas Sarkozy.

Le directeur de campagne de François Hollande, Pierre Moscovici, a prévenu que la gauche ne devait «d'aucune façon» raviver des sentiments anti-allemands.

Face à l'insistance de François Fillon, il a ensuite accusé le gouvernement de procéder à une «manipulation grotesque» pour tenter de cacher la portée d'une «politique franco-allemande menée par Nicolas Sarkozy dans une position d'extrême faiblesse».

Le porte-parole du Parti socialiste, Harlem Désir, a déclaré que sa formation était profondément attachée à la construction européenne et n'avait pas de leçons à recevoir du gouvernement à ce sujet.

Le chef d'État, a-t-il rappelé dans un communiqué, avait suscité la polémique lors de la campagne présidentielle de 2007 en répétant que son pays «n'a pas commis de crimes contre l'humanité, de génocide» en allusion à l'Allemagne. Ses propos, mal reçus outre-Rhin, lui avaient valu d'être qualifié par ses opposants politiques de... germanophobie.