La Russie, affranchie il y a 20 ans du régime soviétique, est revenue depuis lors sur nombre de libertés acquises, mettant au pas la scène politique et les grands médias sous la houlette de l'ex-agent du KGB Vladimir Poutine.

Boris Eltsine, le premier président russe, a aussi été le père du débat public en Russie, quand il a pris la tête de la première opposition politique légale et affronté le dernier dirigeant de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, qu'il jugeait trop conservateur.

Durant toute sa présidence, Eltsine a été au centre de luttes politiques acharnées, composant avec un Parlement rebelle pour gouverner un pays au bord du chaos, avec une multitude de médias hétérogènes et incisifs.

La réalité politique sous son successeur, Vladimir Poutine, est tout autre: la diversité des opinions a été sacrifiée sur l'autel de la «stabilité» et le pluralisme politique a été associé au chaos des années 1990.

«Par rapport à l'époque de Eltsine, le niveau de concurrence (politique) a drastiquement baissé», constate ainsi le politologue Iouri Korgouniouk.

L'un des grands symboles de cette mise au pas a été la reprise en mains des grandes chaînes de télévision, dont les émissions satiriques et les débats politiques ont été bannis dès le milieu des années 2000.

Au Parlement, les textes sont généralement adoptés sans débat, tant le parti Russie unie détient une majorité écrasante.

La protestation dans la rue n'est pas plus tolérée: des centaines de policiers casqués sont déployés chaque semaine à Moscou pour disperser manu militari une poignée d'opposants.

Mais les Russes, dans l'ensemble, ne s'en offusquent pas. Selon une étude publiée mi-2011 par l'Académie russe des Sciences et l'institut allemand Friedrich Ebert, ces libertés ne manquent pas à la population.

Seuls 44% des sondés -ils étaient encore 51% en 2001- considèrent que «les mécanismes démocratiques sont essentiels à l'organisation de la vie en société et qu'ils sont indispensables».

Si l'on est loin du totalitarisme de l'URSS, qui se caractérisait par le contrôle de chaque sphère de la vie publique et privée, Poutine n'hésite pas à puiser dans les références soviétiques, temps de l'ordre et de la puissance russe.

Ainsi, il a récemment souligné que, pour lui, l'Union soviétique -un empire de 15 républiques ethniquement et culturellement très diverses- n'était rien d'autre qu'«une grande Russie».

Et lorsque l'opposition libérale dénonce son retour annoncé au Kremlin en 2012 comme une «stagnation» rappelant l'époque de Leonid Brejnev, le dirigeant soviétique qui s'est accroché au pouvoir bien que grabataire, les partisans de l'homme fort de Russie défendent la manoeuvre.

«Nombreux sont ceux qui parlent d'une brejnevisation de Poutine, mais ce sont des gens qui ne connaissent rien de Brejnev», estimait ainsi en octobre Dmitri Peskov, son porte-parole. «Brejnev, ce n'est pas une période négative dans l'histoire de notre pays. C'est un grand plus», avait affirmé le porte-parole de M. Poutine.

À la veille des législatives de dimanche et de l'élection présidentielle en mars, Vladimir Poutine ne promet d'ailleurs pas le changement.

«Pour nous, la nécessité, c'est l'évolution, la stabilité et la continuité dans les changements politiques, c'est pourquoi nous devons faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit de développer notre système politique», a-t-il proclamé.

Les analystes relèvent néanmoins que si l'autoritarisme russe se fondait sur une idéologie missionnaire, le régime poutinien ne s'appuie sur aucune stratégie claire.

«Les bases de l'URSS étaient une idéologie dominante, le collectivisme et le contrôle total de l'État sur les esprits et les âmes des citoyens», rappelle le politologue Stanislav Belkovski.

«La Russie, c'est l'absence d'idéologie, un maximum d'individualisme, une indifférence totale vis-à-vis des gens», souligne-t-il.