Le camp du président français Nicolas Sarkozy entre en campagne électorale avec un discours très dur sur l'immigration, rejetant les ouvertures prônées par la gauche sur le droit de vote des étrangers non-communautaires et jugeant trop généreuse l'immigration légale.

La thématique est martelée à quatre mois de la présidentielle, période généralement propice à la réaffirmation du clivage gauche/droite.

Les socialistes accusent la majorité de braconner à nouveau sur «les terres du Front national (extrême droite)», dont la candidate Marine Le Pen reste créditée de 15 à 20% des intentions de vote. La droite rétorque en mettant en garde contre les risques de communautarisme dans un contexte de grave crise économique.

Lundi, le candidat socialiste à la présidence François Hollande a de nouveau soutenu l'instauration d'un droit de vote pour les étrangers hors Union européenne aux élections locales.

«Sur les 27 pays européens, 19 ont déjà appliqué le droit de vote des étrangers présents depuis un certain nombre d'années» sur leur territoire, a-t-il rappelé, proposant que s'appliquent les «mêmes règles» pour tous les étrangers.

Les ressortissants d'autres pays de l'UE votent en France aux élections municipales depuis 2001, mais ne peuvent être élus maires.

Selon un sondage BVA publié lundi, 61% des Français sont désormais «favorables» au droit de vote des étrangers non européens aux élections locales.

C'est Nicolas Sarkozy, candidat plus que probable à sa propre succession, qui a relancé mercredi la controverse en qualifiant de «hasardeuse» une proposition de loi socialiste sur ce sujet qui doit être examinée le 8 décembre au Sénat, dominé par la gauche.

Gauche et extrême droite avaient aussitôt dénoncé la «versatilité» du président, relevant que l'ancien ministre puis candidat Sarkozy s'était dit en 2001 et 2005 favorable au droit de vote d'un étranger qui «paie des impôts et réside depuis au moins 10 ans en France».

Pendant tout le week-end, les ténors de la droite ont concentré leurs tirs sur le thème de l'immigration, lié à celui de la cohésion nationale.

Le premier ministre François Fillon s'est opposé samedi «de toutes ses forces» au droit de vote des étrangers, estimant qu'il relevait d'une appartenance «pleine à la Nation» et devait donc rester lié à l'obtention de la nationalité.

Le lendemain, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant répétait vouloir réduire l'immigration légale et lutter avec détermination contre les éventuelles «fraudes sociales» des étrangers, quelques jours après avoir annoncé une réforme visant à rendre plus difficiles les conditions de l'obtention du droit d'asile en France.

Ce proche de Nicolas Sarkozy s'était déjà distingué en signant cet été une circulaire pour réduire le nombre de métiers ouverts aux étrangers, ainsi que par ses propos jugés stigmatisants sur le lien entre délinquance et communautés rom ou comorienne.

«Les Français, à force d'immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux», avait-il déclaré en mars, alors que l'extrême droite remontait dans les sondages.

Marine Le Pen, qui avait déjà proposé au ministre de devenir adhérent du FN, lui a cette fois dit «merci» pour ses déclarations sur le «trop» d'immigrés en France, qui démontre, selon elle, le laxisme du président en la matière.

Finalement, cette nouvelle passe d'armes pourrait ne pas jouer en faveur de Nicolas Sarkozy. Gaël Sliman de BVA souligne que le sondage montre que l'acceptation du droit de vote des étrangers «a fortement progressé» ces dernières années (+6 points depuis 2010), «tout particulièrement» à droite (+15 points).

Pour le sondeur, c'est «sans doute là le principal problème pour Nicolas Sarkozy», car «ce sujet est l'un des rares permettant à toute la gauche de se fédérer tout en divisant la droite».