Le 4 décembre, les Russes seront appelés à élire un nouveau Parlement. Selon un récent sondage, la majorité d'entre eux (53%) croit que l'exercice ne sera qu'«une simple imitation d'élection». À deux semaines du scrutin, les irrégularités en faveur du parti de Vladimir Poutine se comptent par centaines.

Comment les anciens combattants russes peuvent-ils obtenir un meilleur financement de l'État? Selon le maire d'Ijevsk, la réponse est simple: en votant massivement pour le parti au pouvoir.

«Si le quartier Oktiabrski vote à 41% pour Russie unie, alors pourquoi devrait-il obtenir autant d'argent que le quartier Leninski, qui l'aurait appuyé à 60%? Il me semble que ce serait injuste», a ainsi exposé le magistrat Denis Agachine à un parterre de vétérans fin octobre.

La vidéo a fait le tour du Runet, l'internet russe, soulevant l'indignation des partis de l'opposition et de nombreux électeurs d'Ijevsk (1000 km à l'est de Moscou) et d'ailleurs au pays. Mais le maire n'en démord pas. C'est ainsi que le système fonctionne. Et c'est ainsi qu'il doit fonctionner. Quelques jours plus tard, un autre officiel d'Ijevsk a répété le même discours, cette fois à des chauffeurs de taxi.

Rien à craindre de la justice russe ou de la commission électorale, sinon une petite amende. Jamais celles-ci n'oseraient condamner sérieusement ce genre de violation flagrante à la loi électorale. Pour autant qu'elle soit commise par un membre de Russie unie.



Affiches trompeuses

À Moscou ces jours-ci, la proximité entre la Commission électorale et le parti de Vladimir Poutine ne cache pas ses couleurs non plus: les affiches respectives de l'organe étatique (qui appelle à aller voter) et de Russie unie (qui appelle à voter pour sa liste de candidats) sont pratiquement identiques: mêmes silhouettes, même fond et même police de caractère pour les inscriptions en bleu, blanc et rouge, couleurs du drapeau russe. De quoi confondre les électeurs.

Mais pour la commission électorale, pas question d'exiger le retrait des affiches du parti pro-Kremlin, qui détient la majorité absolue à la Douma (Chambre basse). Elle estime plutôt que cet incident n'est qu'une fâcheuse coïncidence, attribuable à la paresse de la compagnie de publicité qui a obtenu des contrats des deux organisations à la fois...

À moins de deux semaines du vote, la victoire de Russie unie ne fait aucun doute. Plus bas que jamais dans les sondages, le parti recueille tout de même 51% des intentions de vote, contre 20% pour les communistes.

De toute façon, Russie unie a une longueur d'avance sur ses rivaux: en tant que parti majoritaire dans toutes les régions du pays, elle a la mainmise sur les ressources administratives de l'État, tant humaines que financières et organisationnelles.

«Les acteurs principaux de cette élection ne sont pas les partis politiques, mais les détenteurs du pouvoir exécutif», souligne Andreï Bouzine, directeur du programme d'observation électorale de Golos, une association de défense des droits des électeurs. Ainsi, les autorités locales n'hésitent pas à intimider les fonctionnaires pour les forcer à aller voter, à bloquer les candidatures de l'opposition ou à falsifier le vote au besoin, cite-t-il comme exemples.

Une carte des violations

Depuis le début de la campagne, plus de 2500 irrégularités ont été signalées à Golos par des citoyens de partout au pays, souvent avec photos ou documents à l'appui. Elles ont été colligées sur la «Carte des violations», un site web lancé par l'ONG.

M. Bouzine prévoit que les fraudes lors des législatives seront plus nombreuses que jamais. «[Les fraudeurs] ne se cachent plus, puisqu'ils constatent que ceux qui ont falsifié les élections précédentes n'ont jamais été punis.»

L'infatigable militante des droits de la personne Lioudmila Alekseïeva a tout de même un espoir. «Cette élection sera une autre tragi-comédie, mais je crois que ce sera la dernière du genre. Depuis la chute de l'URSS, on entend les gens dire qu'ils sont impuissants face au système politique. Mais maintenant, ils ne sont plus prêts à tolérer qu'on ne tienne plus compte de leur voix», assure l'ex-dissidente soviétique de 84 ans. En font foi selon elle les centaines de jeunes volontaires qui se sont manifestés à Golos pour agir comme observateurs indépendants le 4 décembre.

Photo: Kirill Kudryavtsev, AFP

Les affiches respectives de la Commission électorale, qui appellent à aller voter, et du parti Russie unie de Vladimir Poutine sont pratiquement identiques.