Un proche d'Omar Bongo affirme que le défunt président gabonais a «contribué au financement de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy», dans un ouvrage sur «le scandale des biens mal acquis» des chefs d'États africains en France, à paraître jeudi.

Interrogée mardi par l'AFP, la présidence française se refuse pour le moment à tout commentaire.

L'accusation émane de Mike Jocktane, conseiller personnel d'Omar Bongo depuis 2005 promu directeur adjoint de son cabinet en janvier 2009, avant de rejoindre l'opposition à Ali Bongo, qui succède à son père en août de la même année.

«Omar Bongo a contribué au financement de la campagne présidentielle de 2007 du candidat Nicolas Sarkozy», affirme-t-il aux journalistes Xavier Harel et Thomas Hofnung, auteurs du livre Le scandale des biens mal acquis (Éditions La Découverte) dans un entretien réalisé en septembre.

Il confirme les révélations de l'avocat franco-libanais et conseiller de l'ombre de présidents français pour l'Afrique Robert Bourgi, qui a affirmé en septembre avoir remis «20 millions de dollars» à l'ex-président Jacques Chirac (1995-2007) et à son premier ministre Dominique de Villepin.

Mais il va plus loin que l'avocat selon lequel «ni Omar Bongo ni aucun autre chef d'État africain» n'ont remis d'argent à Nicolas Sarkozy par son «intermédiaire».

«Contrairement à ce que prétend Robert Bourgi (...), les mallettes ont continué de circuler avant et après l'élection de Nicolas Sarkozy», assure Mike Jocktane.

Michel de Bonnecorse, ancien conseiller pour l'Afrique de Jacques Chirac, avait déjà accusé Robert Bourgi d'avoir remis des fonds occultes à Dominique de Villepin ainsi qu'à Nicolas Sarkozy, rivaux à droite pour la présidentielle de 2007.

Quand Bourgi choisit au printemps 2006 de rejoindre Nicolas Sarkozy, il n'apporte «plus qu'une (mallette), plus grosse, qu'il dépose aux pieds» du futur président, affirme M. de Bonnecorse dans le livre de Pierre Péan La République des mallettes.

Toutes ces déclarations justifient l'ouverture d'une enquête «et la désignation d'un juge d'instruction sans délai», a réagi mardi Me William Bourdon, avocat de l'association anticorruption Transparency International.

L'enquête lancée après les accusations de Robert Bourgi vient d'être classée sans suite, faute d'éléments pour prouver des faits par ailleurs prescrits.

Ses déclarations avaient rompu le silence traditionnel entourant la Françafrique, réseau opaque d'influences hérité de l'époque coloniale, avec laquelle Nicolas Sarkozy avait promis de rompre.

Mike Jocktane, comme avant lui plusieurs hommes politiques africains et experts de la région, décrit un système bien rôdé.

«Le président défunt Omar Bongo était très généreux avec les dirigeants français. (...) Une part importante de ces dons a fini dans les poches des bénéficiaires.»

«Les remises de mallettes effectuées dans le bureau du président étaient filmées par des caméras cachées. Tout était enregistré sur vidéo», ce qui, affirme-t-il, constitue «l'un des moyens de pression de Libreville sur Paris».

C'est cette relation complexe d'interdépendance qui aurait conduit la France à saluer hâtivement l'élection d'Ali Bongo alors même que la cour constitutionnelle du pays n'avait pas encore rejeté un recours de l'opposition sur des fraudes massives, selon des opposants gabonais et des experts.

Dans un documentaire diffusé en décembre 2010 sur France 2, Michel de Bonnecorse déclarait que les premiers résultats donnaient Ali Bongo battu par son adversaire André Mba Obame à 42% contre 37%.

Robert Bourgi aurait aussi initialement reconnu la défaite du fils Bongo. «Le petit a perdu, le petit a perdu!», aurait-il lancé pris de panique à des proches de Nicolas Sarkozy au soir du vote, selon un témoin de la scène à Paris, cité dans Le scandale des biens mal acquis.

Pour Mike Jocktane, «l'empressement avec lequel la France a reconnu l'élection frauduleuse d'Ali Bongo en 2009 s'explique par les mallettes distribuées».