L'Espagne en crise, étranglée par un chômage record et menacée de récession, s'apprête dimanche à porter au pouvoir la droite, qui sous forte pression des marchés financiers a déjà promis au pays de lourds sacrifices afin de redresser l'économie.

Le chef du Parti populaire, Mariano Rajoy, 56 ans, devrait diriger le gouvernement issu des législatives, profitant du vote-sanction infligé aux socialistes, au pouvoir depuis 2004, par des électeurs lassés d'une crise sans fin, qui laisse dans son sillage près de cinq millions de chômeurs.

La campagne qui s'achève vendredi soir n'a laissé aucune chance au candidat socialiste Alfredo Perez Rubalcaba, 60 ans, ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero. Les derniers sondages donnaient à la droite une majorité absolue d'une ampleur historique au Parlement.

Mécontents d'un gouvernement qui leur a imposé de lourdes mesures de rigueur, les Espagnols ne devraient pourtant pas échapper dans les mois qui viennent à une nouvelle cure d'austérité, la droite ayant promis des coupes budgétaires afin de redresser les comptes publics.

Sous très forte pression des marchés, Mariano Rajoy va devoir agir vite pour rassurer, au moment où s'ouvre la délicate période de la transition des pouvoirs. Il a demandé vendredi aux marchés «une marge minimum, qui doit être de plus d'une demi-heure» pour le vainqueur des élections.

Sans succès puisque l'écart entre les taux des obligations à 10 ans de l'Allemagne et l'Espagne, indice de la méfiance des investisseurs, a dépassé les 500 points de base vendredi matin, un record depuis la création de la zone euro.

«Il est hautement probable que dès la semaine prochaine, le gouvernement sorti des urnes annonce un paquet de réformes-clés destinées à redonner de la crédibilité à l'économie», estiment les analystes de Bankinter.

De telles mesures, qui porteraient sur «une réforme du marché du travail, une réforme fiscale et l'assainissement du système financier», ne seraient toutefois mises en place qu'une fois installées les deux chambres du Parlement le 13 décembre, puis investi le chef du gouvernement, à partir du 20.

Déjà, les mesures d'austérité annoncées à partir de mai 2010, comme la baisse de 5% du salaire des fonctionnaires, le gel des retraites ou le recul de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans, ont alimenté une grogne sociale peu habituelle pour le pays.

S'y ajoutent les récentes réductions budgétaires décidées dans plusieurs régions autonomes gouvernées par la droite, dont Madrid et la Catalogne, où enseignants, médecins et infirmières restent très mobilisés.

Beaucoup d'électeurs semblaient cependant plus désabusés que convaincus, à l'heure où la pauvreté gagne du terrain, où de nombreux Espagnols se préoccupent avant tout de savoir comment ils termineront le mois.

D'autant que l'horizon reste très sombre avec une croissance nulle au troisième trimestre, un chômage de 21,52% (45,8% chez les jeunes) et la menace d'un retour à la récession.

«La situation est grave, inquiétante, pour tous les Espagnols, les gens normaux, les étudiants, les travailleurs, tout le monde le vit très mal», résumait Federico Cres, un Madrilène de 43 ans employé chez Iberia.

«Ces élections sont une farce, car les deux partis majoritaires sont aussi faux l'un que l'autre, et menteurs. Ils ne s'intéressent qu'aux banques et aux grandes entreprises», assurait Alberto Jaray, un commerçant de 38 ans installé sur la place de Callao, en plein centre de Madrid.

Les socialistes, arrivés au pouvoir au mieux d'une économie alors portée par le boom de l'immobilier, n'auront pas résisté à la crise financière mondiale qui a éclaté à l'automne 2008 et José Luis Rodriguez Zapatero a dû se résigner à avancer les élections prévues initialement en mars 2012.

«Cette crise dévore celui qui gouverne, qu'il soit de droite ou de gauche, parce que gouverner ces quatre dernières années en Europe, cela a signifié donner des mauvaises nouvelles, tous les jours, à tout le monde», analyse le politologue Anton Losada.

Près de 36 millions d'Espagnols sont appelés dimanche à élire 350 députés et 208 sénateurs.

Outre le Parti socialiste et le PP, une vingtaine de partis régionaux et nationaux se présentent, nombre d'entre eux n'ayant aucune chance d'entrer au Parlement en raison d'un système électoral complexe qui favorise les grands partis et les partis régionaux.