Le nouveau chef du gouvernement italien, Mario Monti, pourra-t-il convaincre les marchés que son pays peut relancer sa croissance économique et réduire sa dette? Tous s'attendent à un choc entre Super Mario et les entreprises et syndicats. Quatre proches collaborateurs tracent le portrait du sauveur potentiel de l'Italie.

Il a mis au pas Microsoft et General Electric. Il a convaincu le gouvernement d'accorder à la Banque d'Italie son indépendance du ministère du Trésor. Les cours qu'il a donnés à l'Université Bocconi étaient toujours à guichets fermés. Mario Monti est vraiment un «technicien» hors du commun.

«C'est l'un des rares hauts fonctionnaires qui connaissent leurs dossiers sur le bout des doigts», explique Angelo Cardani. Ce professeur d'économie à l'Université Bocconi, à Milan, connaît M. Monti depuis près de 40 ans et a travaillé avec lui à la Commission européenne à Bruxelles, de 1995 à 2005. «Jamais on ne pouvait le prendre en défaut dans une négociation. Et il donnait envie aux fonctionnaires de se dépasser, parce qu'ils avaient l'impression que leur travail était important.»

Les chiffres parlent d'eux-mêmes: quand il était commissaire à la concurrence, de 2000 à 2004, M. Monti a attribué sept fois plus d'amendes que son prédécesseur, malgré trois revers en début de mandat.

«Trois de nos décisions ont été cassées par la cour en quelques mois, dit M. Cardani. Monti ne s'est pas découragé et a créé un poste d'économiste en chef pour renforcer la justification des décisions.»

Durant son passage à la Commission européenne, M. Monti a entre autres abattu les barrières entre pays pour les concessionnaires de voitures et sanctionné des cartels variés allant des cartes de Pokémon aux vitamines. Mais son surnom de Super Mario dans la presse financière anglophone lui a été attribué à cause de deux dossiers: Microsoft et General Electric. Il a obligé le géant américain à faciliter l'utilisation de logiciels concurrents dans Windows et empêché une fusion entre GE et Honeywell parce qu'elle aurait créé une part de marché trop forte pour certains moteurs d'avion.

Mario Monti a aussi croisé le fer avec Nicolas Sarkozy en empêchant une fusion française. Mais le président français lui a par la suite demandé de régler l'harmonisation des réseaux électriques français et espagnol, un dossier qui traînait depuis 20 ans. Ce qu'il a réalisé en moins d'un an.

Nombreux obstacles

En Italie, Mario Monti joue un rôle public depuis plus de 30 ans, grâce à des chroniques dans le quotidien milanais Il Corriere della Sera. «Il a joué un rôle important dans la fin de la subordination au ministère du Trésor de la Banque d'Italie, qui achetait toutes les obligations boudées par le marché», explique Fausto Panunzi, directeur du département d'économie de la Bocconi, dont M. Monti est le président depuis 20 ans. «C'est ainsi que la dette italienne a explosé.»

Dans un pays n'ayant connu que 3% de croissance en 10 ans, les obstacles politiques sont nombreux. Ayant toujours refusé les invitations à se présenter aux élections - «il n'aime pas demander et, pour se faire élire, il faut demander», dit un collègue de longue date qui souhaite conserver l'anonymat -, M. Monti demeure une énigme politique.

«J'ai toujours pensé qu'il allait trop lentement dans son plan de faire de Bocconi une école de calibre international», explique Alberto Alesina, de l'Université Harvard, un ancien étudiant qui le fréquente depuis 25 ans. «Mais je dois avouer qu'en général, il a eu raison de construire un consensus.»

Un gouvernement de «techniciens»

Le Conseil des ministres de Mario Monti ne comprend aucun politicien. Le nouveau premier ministre s'est réservé le portefeuille de l'Économie et a créé un superministère de la Croissance, regroupant le développement, les infrastructures et l'environnement, qui sera dirigé par l'actuel patron de la deuxième banque italienne. Cette nomination pourrait valoir au Conseil d'être accusé d'être à la solde des banques. Beaucoup de commentateurs dénoncent le fait que M. Monti, Mario Draghi (gouverneur de la Banque centrale européenne) et Lucas Papadémos (nouveau premier ministre grec) ont tous eu des liens avec la banque américaine Goldman Sachs. C'est la troisième fois en 20 ans que l'Italie a recours à un gouvernement de «techniciens» pour sortir d'une crise.