La justice française a classé sans suite l'enquête ouverte après les déclarations d'un conseiller de l'ombre de l'Élysée pour les affaires africaines sur la remise de fonds africains occultes à l'ex-président Jacques Chirac et son premier ministre Dominique de Villepin, a-t-on appris mercredi auprès du parquet de Paris.

Dans une retentissante interview à l'hebdomadaire Le Journal du Dimanche (JDD) publiée le 11 septembre, l'avocat Robert Bourgi avait affirmé avoir transporté à plusieurs reprises dans des valises des sommes provenant de chefs d'État africains, pour un montant de quelque 20 millions de dollars, pour les remettre à mm. Chirac et Villepin.

Les allégations de M. Bourgi ne peuvent être confortées par un quelconque élément de preuve susceptible de motiver des investigations, a-t-on expliqué de source judiciaire.

Et à supposer que les remises de fonds soient avérées, en raison de la période visée (1997-2005), l'infraction serait prescrite, a-t-on précisé. La loi de 1995 sur le financement de la vie politique prévoit des peines de cinq ans de prison pour ce type d'infraction, mais les faits sont prescrits au bout de trois ans.

Robert Bourgi avait également accusé l'ancien leader de l'extrême droite Jean-Marie Le Pen d'avoir reçu des fonds occultes de chefs d'État africains pour financer sa campagne présidentielle de 1988.

L'avocat franco-libanais n'a pas souhaité réagir à la décision du parquet, selon son entourage.

À la suite de ses accusations, le parquet de Paris avait diligenté le 13 septembre une enquête préliminaire. M. Bourgi avait été entendu par les enquêteurs de la brigade financière le 22 septembre.

Dans son interview au JDD, puis à plusieurs reprises dans d'autres médias, le conseiller de l'ombre disait avoir «participé à plusieurs remises de mallettes à Jacques Chirac, en personne, à la mairie de Paris». Selon lui, «il n'y avait jamais moins de 5 millions de francs (1 million de dollars). Cela pouvait aller jusqu'à 15 millions (3 millions de dollars)».

Celui qui se présente volontiers comme le successeur de Jacques Foccart, le «Monsieur Afrique» de l'Élysée des gaullistes, avait expliqué avoir recueilli des fonds de cinq chefs d'État africains: Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Omar Bongo (Gabon).

Il s'était ensuite rétracté sur ses accusations contre M. Wade, affirmant s'être trompé.

À plusieurs reprises, M. Bourgi a affirmé que l'actuel président Nicolas Sarkozy, dont il s'est rapproché en 2005, avait mis un terme à cette pratique.

Mais dans l'ouvrage du journaliste Pierre Péan, «La République des mallettes», l'ancien «Monsieur Afrique de Jacques Chirac, le diplomate Michel de Bonnecorse, accuse M. Bourgi d'avoir remis en 2006 une valise avec de l'argent d'Omar Bongo et de Denis Sassou Nguesso «aux pieds du ministre de l'Intérieur» de l'époque Nicolas Sarkozy.

Accusations «scandaleuses», avait réagi l'actuel ministre de l'Intérieur Claude Guéant.

M. Bourgi a également été entendu le 5 octobre dans le cadre de l'enquête sur les «biens mal acquis» en France par des chefs d'État africains. Cette enquête porte sur les conditions d'acquisition d'un important patrimoine immobilier et mobilier en France par trois chefs d'État africains -Denis Sassou Nguesso, Teodoro Obiang Nguema de Guinée équatoriale et le défunt chef d'État gabonais Omar Bongo Ondimda- et certains de leurs proches.