L'Allemagne est secouée par la révélation des actions d'un groupuscule de sympathisants néonazis qui auraient notamment réussi, pendant des années, à assassiner des commerçants d'origine étrangère sans éveiller les soupçons des forces policières.

L'annonce de l'existence du groupuscule, qui se présente dans une vidéo saisie par les forces de l'ordre comme le «mouvement clandestin national-socialiste», fait suite à l'arrestation, la semaine dernière, d'une femme de 36 ans.

Beate Zschäpe, qui était recherchée pour un vol de banque survenu le 4 novembre, s'est rendue aux autorités peu de temps après avoir tenté de détruire la résidence qu'elle occupait à Zwickau, dans l'est du pays.

Deux autres hommes recherchés en lien avec ce vol, Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt, ont été retrouvés sans vie dans une maison mobile après s'être apparemment suicidés pour échapper aux autorités.

Dans le cadre de leurs recherches, les policiers ont saisi une arme ayant appartenu à une policière abattue dans le sud-est du pays, en 2007, ainsi qu'un pistolet apparemment utilisé dans la série de meurtres ciblant des commerçants - pour la plupart, des restaurateurs d'origine turque. La police avait mobilisé plus d'une centaine d'enquêteurs et interrogé des milliers de témoins relativement à cette affaire, sans succès.

Les forces de l'ordre ont aussi mis la main sur un DVD contenant une singulière vidéo dans laquelle le groupuscule se félicite de ses actions criminelles. L'hebdomadaire Der Spiegel a diffusé en ligne des extraits de l'enregistrement, qui détourne des passages du dessin animé La panthère rose. On y voit notamment l'image d'une bombe similaire à celle qui a été utilisée en 2004 lors d'un attentat dans le quartier turc de Cologne.

Le ministre de l'Intérieur allemand, Hans-Peter Friedrich, a déclaré qu'il était «très préoccupant» de constater qu'aucun lien n'avait été fait à temps par les autorités entre les meurtres et les milieux d'extrême droite fréquentés par les membres du groupuscule.

«Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une nouvelle forme de violence d'extrême droite», a déclaré le ministre en relevant que les enquêteurs s'affairaient à déterminer si un réseau plus important était en cause.

Les forces de l'ordre ont arrêté un quatrième individu, lui aussi en lien avec l'extrême droite, qui aurait prêté son permis de conduire et son passeport aux trois complices.

Les sociaux-démocrates, qui siègent dans l'opposition, ont demandé au gouvernement de se pencher sur le travail des services de renseignement de manière à déterminer si des responsables régionaux ou nationaux ont fait preuve de négligence.

Photo: Reuters/Ostthueringer Zeitung

Beate Zschäpe, Uwe Böhnhardt et Uwe Mundlos.

Certains médias ont avancé la possibilité que des membres du groupuscule aient travaillé comme informateurs, une hypothèse démentie par les autorités.

La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré, au cours de la fin de semaine, que le gouvernement devait faire toute la lumière sur cette affaire, par considération pour les victimes.

«Il s'agit sans doute de la forme la plus abjecte de l'extrémisme de droite et que cela se déroule dans notre pays nous remplit de honte», a souligné la politicienne, qui a profité de l'occasion pour réclamer l'abolition du Parti national-démocrate (NPD).

Cette formation d'extrême droite, qui dispose de sièges dans deux parlements régionaux situés dans le nord-est du pays, entretient des liens connus avec les milieux néonazis.

Les autorités allemandes ont tenté en vain de le faire interdire au début des années 2000, mais la Cour fédérale allemande a opposé un refus en évoquant le fait que plusieurs de ses membres agissaient à titre d'informateurs pour les autorités et pouvaient, à ce titre, avoir influé sur les orientations du parti.

Photo: Reuters/Poizeidirektion Gotha

Les suspects auraient participé à plusieurs vols de banque, dont celui-ci, à Arnstadt, le 7 septembre 2011.