Les statistiques de chômage ne rendent pas compte de la réalité vécue par ceux, parmi les jeunes Portugais, qui ont eu la chance de décrocher un boulot: leur extrême précarité.

La vaste majorité d'entre eux travaillent sous le régime des «recibos verdes»: les reçus verts. À l'origine, le concept devait encadrer les conditions des travailleurs autonomes. Mais aujourd'hui, au moins les deux tiers des Portugais qui arrivent sur le marché du travail sont condamnés à une autonomie fictive.

Les charges sociales

Ils n'ont qu'un seul employeur, mais n'ont droit à aucun jour de congé, n'ont pas de vacances, pas de congé de maternité, et doivent payer eux-mêmes leurs charges sociales. En plus, ils peuvent se faire licencier sans préavis. Leur sécurité d'emploi est nulle.

«Ces employés sont totalement vulnérables, c'est scandaleux», dénonce Joao Camargo, militant de l'organisation Precarios-Inflexiveis (Précaires-Inflexibles).

À 28 ans, Joao Camargo affiche un parcours typique des Portugais de son âge. Il a étudié les sciences animales, l'économie, le génie. Il a fait un stage en journalisme. Il a enseigné le portugais au Mozambique.

750$ par mois

De retour à Lisbonne, il travaille à mi-temps pour une ONG en environnement. Sur un statut de «reçu vert». Il gagne un «gros» 500 euros (750$) par mois. Et il se bat pour changer les choses. Son organisation a participé au mouvement de protestation de mars 2011. Elle a aussi fait circuler une pétition en faveur d'une réforme qui empêcherait le recours abusif aux «reçus verts.» Il faut 35 000 signatures pour que le projet de loi soit présenté au Parlement. Déjà, 30 000 personnes ont signé.

Mais Joao Camargo ne se fait pas d'illusions: ce qui manque, c'est la volonté politique. «Tous les partis politiques se disent contre la précarité, mais ils ont déjà tous les outils qu'il faut pour intervenir.» Autrement dit, déguiser des employés en travailleurs autonomes, c'est déjà illégal. Et aucun gouvernement n'a rien fait pour empêcher cette pratique.

Le 24 novembre prochain, les Portugais sont appelés à une grève générale pour protester contre les mesures d'austérité. L'organisation des «précaires inflexibles» compte y être.

Mais Joao Camargo craint que ceux qui travaillent sous le régime des «reçus verts» ne participent pas massivement au débrayage.

«Ils n'ont même pas le droit de grève, ils risqueraient de perdre leur emploi!»