La rédaction du journal satirique français Charlie Hebdo, qui publie en Une une caricature de Mahomet, a été détruite dans la nuit de mardi à mercredi par un incendie criminel, provoquant l'indignation des autorités qui n'excluent pas la piste des musulmans intégristes.

L'hebdomadaire (qui vend environ 60 000 exemplaires) avait décidé de faire de Mahomet le «rédacteur en chef» de son numéro de mercredi, afin de «fêter la victoire» du parti islamiste Ennahdha en Tunisie et l'annonce que «la charia serait la principale source de législation de la Libye». En Une, un dessin représente un Mahomet joyeux et débonnaire avec ces mots: «100 coups de fouet, si vous n'êtes pas morts de rire!»

L'incendie s'est déclenché «aux alentours de 1h» dans le quartier populaire du XXe arrondissement. La police a évoqué la piste d'un jet d'un «cocktail Molotov». Le rez-de-chaussée et le premier étage du bâtiment étaient brûlés et noircis de suie, a constaté un journaliste de l'AFP.

«C'est dramatique, tout est foutu», a témoigné un des chroniqueurs Patrick Pelloux. L'incendie a «tout détruit, tout le rez-de-chaussée, où la rédaction est installée a brûlé».

Selon M. Pelloux, l'engin explosif aurait été lancé «sur la devanture et mis le feu au système informatique». «La police nous dit que deux personnes ont été vues en train de partir peu de temps avant le déclenchement de l'incendie», a précisé le directeur de la publication, le dessinateur Charb.

Piratage informatique présumé, la page d'accueil du site internet du journal a en outre été remplacée par une photo de la mosquée de La Mecque en plein pèlerinage, avec ces mots: «Not god but Allah» («Pas d'autre Dieu qu'Allah»).

Évoquant un «attentat», le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a estimé qu'il ne fallait «pas négliger» la piste de musulmans intégristes.

Selon Charb, l'incendie est directement «lié» à la publication de ce numéro dont l'édition est cependant bien dans les kiosques.

«La provocation, on la fait toutes les semaines. On a fait notre boulot. On est aussi un journal d'actualité (...). On a décidé de traiter ce qui se passait en Tunisie et en Libye. On a fait de l'humour à la Charlie hebdo. Il n'y a aucun dessin avec le prophète avec une bombe dans le turban», il est simplement présenté comme «un mec rigolard», a-t-il argué sur la radio Europe 1.

Depuis l'annonce lundi de la publication de ce numéro, le journal avait reçu des menaces. «Sur Twitter, sur Facebook, on a reçu pas mal de lettres de protestation, de menaces, d'insultes», que la direction du journal s'apprêtait à transmettre à la police, a indiqué Charb.

Le journal avait déjà été menacé en 2006 lors de la publication des caricatures de Mahomet parues dans des journaux danois qui avait déclenché de violentes protestations dans nombre de pays musulmans.

À ce moment-là, «un car de policiers avait été posté aux abords du journal et des gardes du corps détachés auprès des principaux dessinateurs», selon Charb. Mais le numéro de ce mercredi «n'a pas la même portée, c'est plus déconnant qu'autre chose».

Dans une déclaration à l'AFP, la rédaction de Charlie Hebdo a assuré «être contre tous les intégrismes religieux, mais pas contre les musulmans pratiquants». «Nous sommes pour le printemps arabe, contre l'hiver des fanatiques», a-t-elle ajouté.

Cet acte a été unanimement condamné en France.

Le premier ministre François Fillon a fait part de son «indignation» et demandé que «toute la lumière soit faite». Le candidat socialiste à la présidentielle de 2012 François Hollande a déclaré qu'«aucune atteinte à la liberté de la presse ne peut être acceptée».

Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, a «condamné fermement» cet acte, s'il est confirmé qu'il est criminel.

Le quotidien de gauche Libération a invité les journalistes de Charlie Hebdo à venir s'installer dans ses locaux pour préparer leur prochaine édition.

Photo: Martin Bureau, AFP

La Une du journal satirique français du 2 novembre, rebaptisé Charia hebdo, montre une caricature du prophète Mahomet qui stipule: «100 coups de fouet, si vous n'êtes pas morts de rire!»