Des incidents violents ont éclaté mercredi en marge des manifestations massives contre l'austérité en Grèce, à quatre jours d'un sommet européen qui pourrait décider d'augmenter la puissance de feu financière face à l'aggravation de la crise de la dette en zone euro.

Plus de 125 000 personnes selon la police ont défilé dans les rues des grandes villes grecques pour protester contre un nouveau train d'austérité imposé par le gouvernement.

La Grèce livre là «la bataille des batailles», a lancé le ministre des Finances Evangélos Vénizélos en ouvrant les débats sur le plan, qui doit être adopté jeudi, dans un parlement encerclé par une marée de protestataires.

Des affrontements ont éclaté quand des groupes de jeunes ont lancé cocktails molotov et pierres sur un barrage de policiers, qui ont répliqué par des tirs de lacrymogènes. Des incidents ont aussi opposé propriétaires de taxis dénonçant la libéralisation du secteur et forces de l'ordre.

La mobilisation a enregistré un record depuis le début de la crise de la dette qui englue désormais le reste de l'Europe. Transports, écoles, musées et secteur public étaient paralysés, mais aussi commerces, taxis et entreprises privées dans le cadre de la cinquième grève générale en Grèce depuis le début de l'année.

Les sacrifices demandés, dont beaucoup visent une fonction publique inefficace et coûteuse bâtie sur le clientélisme politique, sont imposés alors que la Grèce traverse sa troisième année consécutive d'une récession qui s'aggrave.

Ils visent à convaincre les créanciers du pays, l'UE et le FMI, de la sauver du surendettement, tout en essayant de stopper la contagion de la crise en zone euro, au moment où les agences de notation financière s'attaquent à l'Italie, la France et l'Espagne.

À quatre jours d'un sommet européen crucial, les contacts se multipliaient entre les capitales pour tenter de dégager un consensus sur les moyens de stopper la propagation de la crise en zone euro. Dernier épisode en date: l'abaissement par Moody's de la note de la dette souveraine de l'Espagne.

Selon une source diplomatique à Bruxelles, les pourparlers en cours visent à porter la capacité d'intervention du Fonds de soutien européen (FESF) pour les pays en difficulté entre 1000 et 2000 milliards d'euros, lors du sommet européen. Ces discussions sont «extrêmement intenses» et «positives», a déclaré de son côté mercredi un porte-parole du gouvernement allemand

Ces discussions se déroulent sur fond de détérioration de la conjoncture économique: Berlin a ainsi ramené à 1% sa prévision de croissance pour l'an prochain alors que la première économie européenne tablait précédemment sur 1,8%.

Madrid a subi une nouvelle dégradation de sa note souveraine, la troisième en moins de deux semaines.

Après Fitch et Standard & Poor's, Moody's a décidé de lui enlever deux crans, à A1, ravalant l'Espagne au rang des émetteurs solides, mais susceptibles d'être affectés par des changements de la situation économique.

Le ministère espagnol de l'Économie s'est dit «surpris» de cette décision prise «sans attendre» l'issue du sommet européen organisé ce week-end à Bruxelles précisément pour tenter de stopper la crise.

L'Italie avait fait les frais début octobre des inquiétudes des agences, Fitch dégradant sa note, tandis que Standard & Poor's a abaissé mardi celles de 24 banques italiennes, en raison de la détérioration de la situation économique dans la péninsule.

«Ce que vivent actuellement des pays comme l'Espagne et l'Italie ne vient pas seulement de leurs propres problèmes, mais plutôt de la contagion par le reste de la zone euro», estime Soledad Pellon, analyste de la maison de courtage IG Markets.

«Cela m'inquiète de voir que cela commence à être (une réaction) en chaîne, cela a commencé seulement par la Grèce et puis cela s'est étendu aux autres pays, on dirait que la contagion avance de manière beaucoup plus rapide», renchérit Alberto Roldan, analyste chez Inverseguros.

Face à cette propagation, le sommet européen de dimanche s'annonce décisif. Outre l'augmentation des capacités de prêt du FESF, les pays de l'Union européenne pourraient décider d'une nouvelle dépréciation de la dette grecque détenue par les banques, plus importante que celle décidée le 21 juillet.

«Le destin de l'Europe se joue dans les jours qui viennent», n'a pas hésité à affirmer le président français Nicolas Sarkozy, qui devait s'entretenir par téléphone dans la journée avec la chancelière allemande Angela Merkel.

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso lui a fait écho mercredi, évoquant un «moment crucial» pour l'Europe, et demandant une «réponse vigoureuse» dimanche pour stopper la contagion.

La France est désormais également menacée: Moody's a annoncé lundi qu'elle pourrait placer d'ici trois mois sa note sous perspective négative, en clair qu'elle pourrait perdre son précieux triple A.

Cela montre que «même des pays comme la France ne peuvent pas échapper à des baisses de note», souligne Soledad Pellon.

«Les agences transmettent un message très clair: il y a un problème de dette en Europe et cela peut entraîner une aggravation importante» de la crise, estime Alberto Roldan.

«Cela remet un petit coup de pression sur la France et l'Allemagne, sur leur capacité à résoudre cette crise, parce que c'est de là que viendront les solutions», confirme Jesus Castillo, spécialiste de l'Europe du sud chez Natixis.

«Si l'un des deux pays n'avance pas, c'est tout le processus de résolution de la crise qui reste bloqué», ajoute-t-il.