Une victime de 14 ans qui se plaignait de «ne pas bronzer suffisamment», retrouvée mystérieusement morte après une injection à base de fer. Un suspect jadis condamné pour sévices sexuels, enlevé en Allemagne par le père de la victime et rapatrié en France pour qu'il soit traduit en justice. Le procès de l'heure en France est aussi sordide que troublant, raconte notre correspondant.

Pendant des décennies, André Bamberski a remué ciel et terre pour faire en sorte que le ressortissant allemand qu'il accuse d'avoir violé et tué sa fille Kalinka réponde de ses actes devant la justice française.

L'obsession de ce comptable originaire de Toulouse est devenue réalité la semaine dernière avec l'ouverture, à Paris, du procès pour meurtre de Dieter Krombach, un cardiologue de 76 ans qui affirme depuis toujours n'avoir rien à se reprocher.

«Cette fois, je n'ai pas peur, je ne peux rien garantir, mais je n'ai pas peur», a déclaré à l'ouverture de l'audience M. Bamberski, qui est lui-même accusé d'avoir orchestré l'enlèvement en sol allemand de l'accusé.

L'affaire commence à l'été 1982 lorsque Kalinka séjourne dans la résidence de Dieter Krombach et de sa mère biologique, Danielle Gonnin, l'ex-femme d'André Bamberski qui s'est remariée avec le médecin quelques années plus tôt.

Affaire classée

Le matin du 13 juillet, le corps de l'adolescente de 14 ans, qui était en pleine forme, est découvert sans vie dans sa chambre.

Le médecin révèle qu'il lui a administré la veille une injection à base de fer normalement utilisée pour l'anémie parce qu'elle se plaignait de «ne pas bronzer suffisamment».

Le médecin légiste appelé à examiner la victime ne précise pas les causes exactes de la mort. La justice allemande classe l'affaire peu de temps après.

André Bamberski, qui est convaincu de la culpabilité du médecin, lance une série de recours en Allemagne qui sont tous rejetés. Il décide ensuite de porter plainte en France en invoquant une loi qui permet à la justice du pays de se pencher sur des crimes survenus à l'étranger contre des ressortissants français.

Une autopsie subséquente sur la dépouille de Kalinka Bamberski révèle que son sexe a été retiré, rendant impossible toute analyse visant à établir s'il y a eu viol ou non.

Dieter Kombrach, qui refuse d'aller témoigner en France, est condamné par contumace en 1995 à une peine de prison de 15 ans pour «des violences ayant entraîné la mort sans volonté de la donner».

L'Allemagne, qui s'offusque du fait qu'une affaire jugée en sol allemand soit reprise en France, refuse de l'extrader.

L'homme connaît néanmoins des ennuis avec la justice allemande. Il est ainsi condamné en 1997 à deux ans de prison avec sursis pour avoir agressé une jeune patiente placée sous anesthésie.

Enlèvement

L'affaire de 1982 revient sous les projecteurs en 2009 lorsque Dieter Kombrach est enlevé en sol allemand et retrouvé, ligoté, dans une rue de Mulhouse, côté français. L'instigateur de l'enlèvement, au dire de la justice française, n'est nul autre qu'André Bamberski.

La Cour de cassation conclut que le médecin, placé en détention, peut être jugé de nouveau pour la mort de Kalinka Bamberski malgré les singulières conditions expliquant sa présence en sol français.

Danielle Gonnin, qui a rejeté pendant des décennies l'idée que le médecin ait pu «faire du mal» à sa fille, a relevé à l'ouverture du procès que ses convictions avaient été secouées par l'étude du dossier judiciaire.

«Qu'il dise exactement ce qui s'est passé, qu'enfin tout s'arrête, car ça fait du mal à tout le monde», a-t-elle déclaré.