Les préjugés séculaires contre les Roms en Bulgarie et un ras-le-bol, tant de la criminalité quotidienne que de l'impunité de mafieux après de graves incidents dans un village (un mort), ont provoqué des manifestations nationalistes en chaîne faisant monter les tensions ethniques en pleine campagne électorale.

Ainsi, à trois semaines des élections présidentielles et municipales du 23 octobre, 2 000 militants du parti nationaliste Ataka (16 députés), pour la plupart des jeunes, ont manifesté samedi «contre l'impunité des Roms» près de la présidence de la République.

Alors que des parades de la fierté gaie Roms ont été annulées par les organisateurs dans plusieurs villes, dont Sofia, pour éviter des incidents, de jeunes Roms et Bulgares, à contre-courant des nationalistes, ont offert samedi des fleurs à des passants pour exprimer leur volonté de cohabitation.

À l'issue d'une réunion extraordinaire du Conseil national de sécurité, en présence du premier ministre Boïko Borissov (droite), le chef de l'État Gueorgui Parvanov (gauche) a lancé un appel à la classe politique et aux médias afin de «mettre fin à un langage de haine extrémiste», le patriarche Maxim, chef de l'influente Église orthodoxe, ayant lancé un appel identique vendredi.

Le président Parvanov a par ailleurs a annoncé qu'un programme d'intégration des Roms, financé à hauteur de 70 millions d'euros par l'Union européenne et de 40 millions d'euros par le gouvernement, serait proposé d'ici novembre.

L'étincelle a été allumée le 24 septembre par la mort d'un jeune bulgare écrasé par des Roms à Katounitsa, localité à forte minorité Rom. Des habitants du village en ont rendu responsable un potentat local Rom, Kiril Rachkov, surnommé le «Tsar Kiro», arrêté depuis par la police pour avoir proféré des menaces de mort contre un habitant.

Connu dans les années 1990 pour la production illégale d'alcool, Kiril Rachkov serait à la tête de réseaux de voleurs à la tire, de mendiants et de prostituées. Une amende pour insultes est cependant la seule sanction qu'il ait subie depuis la chute du communisme il y a 22 ans.

Bien que le Procureur général, Boris Vetchev, eut rappelé qu'il existait d'autres «potentats locaux», pas forcément Roms, des manifestations marquées de slogans nazis anti-Roms et même contre la minorité turque ont eu lieu dans tout le pays. Les manifestants, souvent rassemblés en fonction de mots d'ordre et de consignes diffusés sur le réseau social sur internet Facebook, sont jeunes et parmi eux figurent beaucoup de mineurs.

«La tolérance n'est pas enseignée à l'école, ni dans la famille» et, dans le pays le plus pauvre de l'Union européenne, l'opinion publique «se prête facilement à des manipulations», souligne Krassimir Kanev, de l'organisation non gouvernementale (ONG) des droits de l'Homme Helsinki Committee.

Sous le communisme, où le chômage était inconnu, les Roms travaillaient et leurs enfants allaient à l'école. Mais, depuis la chute de la dictature, en 1989, l'État a mis fin à toute politique d'intégration de cette minorité, estimée à 700 000

personnes (9% de la population). Des générations de Roms sont illettrés et chômeurs. Les programmes internationaux d'aide mis en oeuvre depuis 2005 n'ont que peu amélioré leur condition et seulement dans des cas isolés.

Entretemps, les préjugés s'aggravaient: selon une étude de 2005, 69% des Bulgares excluent d'avoir des amis roms, 63% trouvent inacceptable de vivre dans un même quartier, 52% ne veulent pas travailler avec des Roms et 25% dénient le droit à l'existence d'une minorité Rom.

Ces préjugés sont largement exploités par les ultranationalistes, notamment le dirigeant d'Ataka, Volen Siderov, candidat à la présidence de la République, qualifiant les Roms de «canailles vivant sur le dos du peuple bulgare».