Le parquet ukrainien a requis mardi sept ans de prison contre l'opposante Ioulia Timochenko, poursuivie pour abus de pouvoir, un dossier qui exacerbe les tensions avec l'UE au moment où Kiev cherche à resserrer les liens avec ses partenaires européens.

«Nous demandons au tribunal de reconnaître Mme Timochenko coupable et, compte tenu de la gravité de son crime (...), de la condamner à sept ans de prison», a déclaré l'un des procureurs, Mme Lilia Frolova, à la fin de son réquisitoire.

Cette nouvelle a aussitôt provoqué la colère des centaines de partisans de Mme Timochenko, réunis à proximité de la cour, sur l'artère principale de Kiev. «À bas la bande» au pouvoir, ont-ils scandé.

Plusieurs dizaines d'entre eux ont tenté de s'approcher du tribunal, en dépit d'un dense cordon policier, au moment où le fourgon cellulaire transportant l'opposante devait quitter les lieux.

Une vingtaine de policiers en tenue antiémeutes ont alors repoussé les protestataires, a constaté une journaliste de l'AFP.

Par ailleurs, un procureur venu s'adresser aux journalistes à l'extérieur du tribunal a été hué par des députés du parti de Mme Timochenko. «Menteur! Honte!» ont-il notamment lancé.

Un des avocats de l'opposante, Olexandre Plakhotniouk, a pour sa part déclaré que la défense insistait sur l'innocence de Mme Timochenko. «Nous considérons qu'il y a absence de délit», a déclaré l'avocat à l'AFP, dont la plaidoirie est attendue mercredi.

Égérie de la Révolution orange de 2004, Ioulia Timochenko, une ex-première ministre, est accusée d'avoir signé en 2009, sans l'autorisation du gouvernement qu'elle dirigeait, des accords gaziers avec la Russie défavorables à son pays. Elle dénonce pour sa part des poursuites politiques.

Son procès a repris mardi après quinze jours d'interruption sous l'oeil de l'Union européenne qui réclame la libération de l'ancienne premier ministre incarcérée depuis le mois d'août et jugée depuis juin.

L'ambassadeur de l'UE en Ukraine, Jose Manuel Pinto Teixeira, était présent au début de l'audience.

L'Union européenne craint que cette affaire ne soit en réalité un règlement de compte politique qui permettrait au président Viktor Ianoukovitch de se débarrasser de sa principale opposante.

À la mi-septembre, l'UE a haussé le ton contre Kiev en conditionnant un accord d'association, que l'Ukraine espère conclure en décembre, à la remise en liberté de Mme Timochenko. Bruxelles a aussi qualifié de «soviétique» la législation sur laquelle se basent les poursuites.

Certains médias et analystes ukrainiens estiment cependant que le pouvoir ukrainien était peu enclin à céder aux appels européens.

«La décision finale sur Timochenko n'a pas encore été prise», relève pour sa part Volodymyr Fessenko, directeur du centre des études politiques Penta.

«Ianoukovitch ne veut pas faire preuve de faiblesse. Si Timochenko était relâchée, on dira qu'il a cédé à la pression de l'Occident. S'il accepte de faire des concessions, ce ne sera pas pour tout de suite», estime l'analyste.

Selon lui, le pouvoir ukrainien pourrait décider du sort de Mme Timochenko après le sommet du Partenariat oriental de l'UE, prévu jeudi et vendredi à Varsovie, et auquel M. Ianoukovitch doit participer.

«Une condamnation a de la prison serait trop risquée avant le sommet» car elle exposerait le président ukrainien à une avalanche de critiques en plein sommet, souligne M. Fessenko.