Benoît XVI a parlé à des victimes de prêtres pédophiles pour la première fois dans son pays natal, une rencontre qui l'a ému, mais qui était jugée insuffisante samedi par des associations de victimes.

«Pour nous, c'est un camouflet, car cette rencontre n'est pas suivie par des actions», a déclaré à l'AFP Peter Bringmann-Henselder, président de l'association allemande des enfants des orphelinats.

«La rencontre avec le pape ne changera rien au fait que des prêtres abusent d'enfants ou que des évêques étouffent ces scandales», a estimé, dans un communiqué, l'association de victimes de prêtres pédophiles catholiques SNAP («Survivors network of those abused by priests»).

Des dizaines de ses représentants ont manifesté samedi en marge de la messe célébrée par le pape sur la place de la cathédrale d'Erfurt (est).

Fondé aux États-Unis, le SNAP a récemment déposé un dossier «pour crimes contre l'humanité» devant la Cour pénale internationale (CPI), une démarche essentiellement symbolique.

L'association allemande Eckiger Tisch, qui représente les victimes de pédophilie dans les institutions jésuites et avait demandé à rencontrer le pape pendant sa visite, ne souhaitait plus s'exprimer.

Benoît XVI, qui avait déjà rencontré des victimes aux États-Unis, en Australie, à Malte et à Londres, mais jamais encore en Allemagne, s'est dit «ému» et «secoué» après ses entretiens vendredi soir au séminaire d'Erfurt avec des victimes de prêtres et d'employés de l'Église pédophiles.

Selon le coordonateur général du voyage papal, le père Hans Langendörfer, les victimes étaient trois hommes et deux femmes, et la rencontre «chargée d'émotions a duré une demi-heure».

Seuls les victimes, le pape et l'évêque de Trèves, Stephan Ackermann, chargé de ce dossier délicat, ont participé à la réunion, selon le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi.

«Certaines des victimes ont pleuré après coup,» a relaté le père Langendörfer. Le pape les a surtout écoutés, a dit le père Lombardi, ajoutant que «c'est quelqu'un qui écoute plus qu'il ne parle».

Issues de différentes régions d'Allemagne, les victimes avaient appelé une téléassistance mise en place par l'Église allemande.

Le pape a assuré aux personnes présentes que les responsables de l'Église «oeuvraient à élucider les délits d'agressions sexuelles et s'efforçaient de favoriser des mesures efficaces pour la protection des enfants et des jeunes».

Le pape s'est également entretenu ensuite avec cinq personnes qui s'occupent de la prévention contre les sévices sexuels pour les remercier de leur travail.

Jeudi, dans l'avion qui l'emmenait à Berlin, Benoît XVI avait dit pouvoir comprendre les personnes quittant l'Église à cause des affaires de pédophilie, tout en les invitant à rester en son sein.

Les scandales pédophiles, qui ont terni l'image de l'Église en Allemagne, avaient été très médiatisés après les révélations fin janvier 2010 d'agressions sexuelles dans le collège jésuite Canisius à Berlin, faites notamment par Matthias Katsch, ancien élève, qui en avait été victime de 1973 à 1981, et président de l'association Eckiger Tisch.

Avant la rencontre de vendredi soir, cet homme de 48 ans, toujours catholique, regrettait que l'Église n'assume pas ses responsabilités. Il jugeait également insuffisants les dédommagements de 5000 euros au maximum prévus par l'Église allemande depuis mars 2011.

En juillet dernier, l'Église catholique allemande avait annoncé qu'elle allait ouvrir ses archives à des chercheurs indépendants pour faire toute la lumière sur les agressions sexuelles commises par des prêtres. Les recherches devraient durer un an.