Le débat entre socialistes français vient de s'achever. François Hollande se tourne vers Martine Aubry pour la saluer par deux bises convenues, puis il échange une simple poignée de main avec Ségolène Royal, marque d'une relation toujours distante avec son ex-compagne.

Le réalisateur de la chaîne France 2 a cherché en vain le moindre signe de complicité ou au contraire de défiance au cours des trois heures du débat télévisé, qui devait servir à départager jeudi soir les six candidats à la primaire socialiste pour l'élection présidentielle de mai prochain.

Parmi eux, le favori des sondages, François Hollande, était systématiquement filmé lorsque s'exprimait Ségolène Royal, la mère de ses quatre enfants et sa compagne pendant près de 30 ans. Il est demeuré sérieux et concentré, ne laissant rien paraître, malgré la singularité de cette situation.

Ségolène Royal avait été la candidate des socialistes en 2007, s'inclinant au second tour devant Nicolas Sarkozy. Mais cette année, elle est très en retard dans les sondages, et elle a cherché à se démarquer quelques jours avant le débat en attaquant violemment François Hollande.

«Le point faible de François Hollande, c'est l'inaction. Est-ce que les Français peuvent citer une seule chose qu'il aurait réalisée en trente ans de vie politique? Une seule?», avait-elle questionné.

Au nom de l'intérêt du parti, le débat télévisé de jeudi soir a été policé, peu agressif, entre les six candidats à la candidature, et aussi entre Ségolène Royal et François Hollande.

Âgée tous les deux de 57 ans, leur vie a été intimement mêlée à la politique. C'est sur les bancs de l'École Nationale d'Administration (ENA), le creuset des élites françaises, qu'ils s'étaient connus dans les années 1980.

C'est d'ailleurs un soir d'élections législatives en 2007 que Ségolène Royal avait fait connaître publiquement sa séparation d'avec François Hollande, quelques semaines après son échec face à Nicolas Sarkozy.

Elle dit aujourd'hui avoir gagné en densité, avoir beaucoup travaillé, tout en conservant l'allure et l'élégance qui, lors de la dernière élection, avaient contribué à sa notoriété internationale.

Son ex-compagnon a, en cinq ans, opéré une mue politique et physique, qui en fait aujourd'hui un présidentiable incontournable. Il a perdu une dizaine de kilos et décidé de s'abstenir des traits d'humour qui étaient sa marque de fabrique et qui sont aujourd'hui trop éloignés de ses ambitions présidentielles.

Auteur de la biographie François Hollande: Itinéraire secret, le journaliste du Nouvel Observateur Serge Raffy y raconte la position délicate des enfants du couple qui, après s'être déchiré dans la vie, s'affronte dans cette primaire.

«Ils se sont réunis et ont pris une position claire: ils soutiendront celui, ou celle, qui sera le ou la candidate socialiste à l'élection présidentielle», écrit-il. Le plus âgé des quatre a 27 ans.

La biographie revient aussi sur les quelques signes de réchauffement intervenus ces dernières semaines entre les deux ex-compagnons, après les années de froid provoqué par la nouvelle vie de François Hollande avec une journaliste politique.

«Pourquoi pas?», a même répondu récemment Ségolène Royal, lorsqu'on lui demandait si elle pourrait nommer François Hollande premier ministre, en cas de victoire à la présidentielle.

Avant le débat de jeudi soir, l'écologiste Daniel Cohn-Bendit avait plaisanté sur ces situations où la politique rencontre la vie privée. «La seule chose intéressante, c'est ce que va dire Ségolène Royal: est-ce qu'elle va être pour son mari qui l'a trompée ou pour Martine Aubry (l'autre favorite de la primaire avec François Hollande)?», avait-il déclaré.