Le procès de l'ancien président français Jacques Chirac, notamment poursuivi pour «détournement de fonds publics», est entré mardi dans le vif du sujet à Paris, mais en l'absence de l'intéressé, dispensé d'assister aux audiences en raison de son état de santé.

Le président du tribunal correctionnel de Paris a décidé lundi que M. Chirac serait représenté par ses avocats jusqu'à la fin du procès, le 23 septembre. Une décision prise sur la base d'un rapport médical transmis par la défense de l'ancien président, qui aura 79 ans en novembre. Le rapport évoque des «troubles sévères de la mémoire» et «d'importantes erreurs de jugement et de raisonnement».

Premier ancien président de la République à être renvoyé en correctionnelle, M. Chirac, protégé par son immunité présidentielle pendant ses 12 ans à l'Élysée (1995-2007), doit être jugé pour des faits remontant au début des années 1990, lorsqu'il était maire de Paris (1977 à 1995).

Il est soupçonné d'avoir permis que des personnes travaillant pour son parti, le RPR (ancêtre de l'UMP, le parti de l'actuel président Nicolas Sarkozy), ou occupant des emplois de complaisance, soient rémunérées par la mairie de Paris.

Pour le deuxième jour du procès, le tribunal a commencé à examiner le principal volet de l'affaire, portant sur 21 emplois présumés fictifs, rémunérés par la ville de Paris de 1992 à 1995.

Selon l'ordonnance de renvoi, ces emplois étaient mis à la disposition d'élus RPR ou de partis amis, voire n'avaient aucune affectation. Plusieurs chargés de mission avaient été recrutés dans l'objectif de préparer l'élection présidentielle de 1995, remportée par Jacques Chirac.

Mardi, deux anciens directeurs de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris, Michel Roussin et Rémy Chardon, poursuivis comme «complices», ont été mis sur le gril.

Sept autres prévenus sont poursuivis pour avoir occupé ces emplois ou pour avoir bénéficié de collaborateurs payés par la municipalité.

À l'audience, Michel Roussin a cherché à minimiser sa responsabilité.

Dans la «charge de travail énorme» d'un directeur de cabinet, «la signature des contrats, c'est anecdotique», a déclaré M. Roussin, 72 ans, cheveux blanchis et costume sombre, directeur de cabinet de M. Chirac de 1989 à 1993.

Poursuivi pour complicité d'abus de confiance, il est accusé d'avoir signé les contrats d'engagement de 11 chargés de mission.

«Le directeur de cabinet n'a qu'une mission de gestion des contrats, il ne procède pas aux recrutements», a-t-il dit, tout en se gardant bien de mettre en cause Jacques Chirac.

Interrogé par le président de la 11e chambre correctionnelle du tribunal, Dominique Pauthe, il a toutefois reconnu qu'il arrivait à M. Chirac de lui demander de préparer un contrat et que l'ancien maire en avait aussi signé lui-même certains.

Rémy Chardon, auquel la justice reproche la signature de quatre contrats de chargés de mission de 1993 à 1995, a pour sa part admis avoir reçu une seule fois une consigne orale, provenant «bien sûr» de M. Chirac et concernant l'emploi de François Debré, fils d'un vieil ami et allié du maire.

En l'absence de Jacques Chirac, M. Pauthe a lu quelques-unes de ses déclarations durant l'instruction.

«Si je connaissais l'existence des chargés de mission, je ne connaissais pas leur nombre précis», avait-il dit, contestant tout «système» et soulignant qu'il n'y a «jamais eu d'enrichissement personnel». «Ces recrutements je les ai souhaités, autorisés parce qu'ils étaient légitimes autant que nécessaires», avait-il aussi assuré.

Alain Juppé, actuel chef de la diplomatie française et ancien adjoint de M. Chirac à la mairie de Paris, condamné en 2004 dans cette affaire, sera entendu comme témoin le 15 septembre.