La commission d'enquête sur les pratiques des services secrets britanniques a annoncé lundi qu'elle allait se pencher sur les accusations selon lesquelles Londres aurait coopéré étroitement avec les services du colonel libyen Mouammar Kadhafi, allant jusqu'à leur livrer des prisonniers.

«Nos investigations portent sur le degré d'implication des autorités britanniques et leur connaissance des mauvais traitements aux détenus, y compris le fait de les livrer», a expliqué un porte-parole de cette commission indépendante.

«Par conséquent, nous allons nous pencher sur les allégations selon lesquelles le Royaume-Uni serait impliqué dans la livraison de détenus à la Libye, ce qui rentre dans notre mission», a poursuivi le porte-parole, précisant que la commission allait demander «plus d'informations au gouvernement et aux agences gouvernementales dès que possible».

Selon des documents consultés par l'AFP, Américains et Britanniques auraient coopéré étroitement dans les années 2000 avec les services de renseignement du colonel Kadhafi, y compris en livrant des prisonniers au régime libyen pour interrogatoire.

Parmi eux, l'actuel commandant de la milice rebelle à Tripoli, Abdelhakim Belhaj, qui a demandé lundi des excuses au Royaume-Uni et aux États-Unis. Ces deux pays l'auraient livré en 2004 au régime libyen dont il était un opposant, et il aurait ensuite été torturé.

Le premier ministre David Cameron a soutenu la décision de la commission de se pencher sur les relations entre les services secrets britanniques et la Libye, estimant cependant qu'il ne fallait pas «se précipiter pour juger».

«Nous devons nous rappeler la situation dans laquelle le monde et ce pays se trouvaient après le 11-Septembre, il y avait une vraie inquiétude concernant des gens qui voulaient détruire notre pays», a-t-il ajouté devant la Chambre des Communes. «En 2003 (...), il y avait un groupe terroriste libyen allié à Al-Qaïda, et nos services de renseignement essaient toujours de travailler pour le bien de notre pays», a-t-il ajouté.

Jack Straw, le ministre des Affaires étrangères travailliste de 2001 à 2006, soit au moment des faits reprochés, a défendu sur la BBC l'attitude des gouvernements britanniques successifs. «Non seulement nous n'avons jamais approuvé ces méthodes, mais nous ne nous en sommes jamais rendus complices», a-t-il affirmé tout en jugeant «très important» que la commission d'enquête soit saisie.

La commission «Gibson», du nom du juge à la retraite qui la dirige, avait été chargée il y a un an par M. Cameron de se pencher sur des accusations de complicité de torture visant le MI5 et le MI6, les services de renseignement intérieur et extérieur britanniques, après les attentats du 11-Septembre aux États-Unis.

Les accusations de mauvais traitements les plus médiatisées émanaient d'un Éthiopien, Binyam Mohamed, détenu à Guantanamo pendant plus de quatre ans. Ce dernier avait affirmé qu'un membre du MI5 avait fourni les questions des interrogatoires assortis de tortures qu'il avait subies, après son arrestation en 2002. La commission n'a pas encore commencé ses travaux.